Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 16 janvier 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Je distingue d'autant plus volontiers l'amendement CL 8 de M. Tourret des autres qu'une confusion est possible sur les motivations de son auteur. Si les bans sont publiés, c'est pour permettre une éventuelle contestation en cas de mariage illicite. Le lieu de leur publication est donc une question de fond qu'il faut analyser indépendamment du contexte des autres amendements qui visent, eux, à instaurer une clause de conscience. Les circonstances sont donc défavorables à l'amendement de M. Tourret, compte tenu du mauvais signal que son adoption pourrait donner.

Le Gouvernement est également défavorable aux autres amendements.

Monsieur Ollier, il faut cesser de ruser avec les principes. Trop souvent les débats révèlent de la part de certains une grande capacité à faire des déclarations vertueuses pour mieux faire adopter des amendements dont la teneur juridique est contraire à ces mêmes déclarations.

Monsieur Bourdouleix, j'ai pris note avec grand intérêt hier de votre détermination à satisfaire aux obligations de la loi en tant qu'officier d'état civil : or, vous affirmez aujourd'hui que, dans l'intérêt des futurs conjoints eux-mêmes, il conviendrait de leur permettre de se marier là où ils seraient le mieux accueillis. Le Gouvernement ne saurait entendre un tel argument, car il a précisément pour devoir de veiller au respect des règles et des valeurs de la République sur tout le territoire. Les futurs conjoints, quels qu'ils soient, devront être accueillis correctement partout avec la même garantie de voir leurs droits respectés. En défendant votre amendement, vous avez vous-même fourni l'argument majeur pour le rejeter.

Monsieur Larrivé, en rappelant que le plaignant était un fonctionnaire, vos propos ne font que conforter l'arrêt, dépourvu de toute ambiguïté, de la CEDH. En effet, les fonctionnaires peuvent à la limite invoquer le droit de retrait. Tel n'est pas le cas des officiers d'état civil.

Par ailleurs, l'opposition ayant rendu au président de la République un hommage aussi appuyé que sélectionné au laser, je tiens à rappeler avec exactitude les propos du chef de l'État : « Les maires sont les représentants de l'État. Ils auront, si la loi […] est votée, à la faire appliquer. La loi s'applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience. » Faisons attention à la charge affective ou cognitive des mots.

Le Gouvernement étant défavorable à ces amendements, je rappellerai les deux procédures existantes en cas de refus d'un maire ou de ses adjoints de célébrer un mariage. Il appartient soit au préfet de se substituer au maire ou de désigner un délégué spécial, soit au procureur de la République de faire injonction au maire. Le Gouvernement, qui a saisi le Conseil d'État pour lui demander s'il y avait lieu de privilégier une des deux procédures, souhaite de toute façon que le droit demeure en l'état, car nous savons parfaitement que la nouvelle loi ne posera pas de problèmes graves, les maires étant généralement soucieux de ne pas s'affranchir de la loi. Ce sont en effet des officiers d'état civil responsables. De plus, je ne crois pas à une mobilisation massive des maires contre le texte.

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