Intervention de Philippe Vitel

Réunion du 3 février 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel, rapporteur :

Lorsque l'on veut savoir où on va, il faut savoir où l'on en est mais surtout savoir d'où on vient ! C'est pour cette raison que vous me permettrez tout d'abord de dresser un bref rappel historique de l'évolution de l'OTAN.

Conçue en 1949 pour répondre à la menace soviétique, l'OTAN aurait pu être dissoute en même temps que le Pacte de Varsovie. La fin de la Guerre froide, marquée par l'effondrement de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), privait en effet l'Alliance atlantique et son organisation militaire, l'OTAN, de son ennemi historique. Il était donc légitime de se demander si cela ne la privait pas même de sa raison d'être.

La persistance d'une fragilité européenne, particulièrement liée à la poudrière des Balkans, a un temps éloigné les critiques formulées à l'encontre de l'OTAN, avant que les attentats du 11 septembre 2001 ne la fassent basculer dans une nouvelle ère d'élargissement de ses missions. La crise russo-ukrainienne, ouverte depuis l'automne 2013, a recentré l'OTAN sur ses fondamentaux, avec la réapparition d'une menace russe dont l'ombre plane sur les États les plus orientaux de l'Union européenne.

Mais malgré cette résurgence d'une opposition est-ouest, dont la ligne de fracture s'est déplacée, l'OTAN n'est évidemment pas aujourd'hui la même organisation que lors de sa fondation.

Si, au cours des années 1990, la persistance d'une fragilité européenne et la crise des Balkans ont permis à l'OTAN de se maintenir, la décennie 2 000 a parfois donné le sentiment d'un tâtonnement : d'un côté la multiplication des missions de tout ordre – humanitaire, protection de grands événements, lutte contre le terrorisme, police du ciel – et de l'autre l'expansion géographique – poursuite de la « porte ouverte » et développement des partenariats mondiaux.

Finalement, c'est le Sommet de Lisbonne, en 2010 qui a permis à l'Alliance, en se dotant d'un nouveau concept stratégique, de clarifier ses missions.

Si les missions de l'OTAN se sont diversifiées au fil des années, l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord reste au coeur de la solidarité qui lie les membres de l'Alliance. Pour rappel, il stipule que « Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord. » J'ajouterai d'ailleurs que depuis le Sommet du Pays de Galle, les cyber-attaques sont prises en compte dans le cadre de cet article.

Aujourd'hui, le concept stratégique de l'OTAN, c'est-à-dire la doctrine politico-militaire de l'OTAN, ne repose plus seulement sur la notion de défense collective qu'incarne l'article 5.

En effet, le concept stratégique actuel « Engagement actif, défense moderne », établi lors du Sommet de Lisbonne, précise que « l'Alliance a le devoir et la volonté de continuer à remplir efficacement trois tâches fondamentales essentielles : la défense collective, la gestion de crise, la sécurité coopérative ». La défense collective suppose que les membres de l'Alliance se prêteront toujours assistance mutuelle contre une attaque, conformément à l'article 5 du Traité de Washington. La gestion de crise permet à l'OTAN, grâce à la diversité de ses capacités d'intervention, politiques et militaires, d'agir sur la gamme complète des crises, que ce soit avant, pendant ou après un conflit. La sécurité coopérative a pour objectif de permettre à l'Alliance d'infléchir les développements politiques et sécuritaires intervenant au-delà de ses frontières, grâce au renforcement des partenariats, en contribuant activement à la maîtrise des armements, à la non-prolifération et au désarmement, et en maintenant sa porte ouverte à l'adhésion de toutes les démocraties européennes qui répondent aux normes de l'OTAN.

L'éclatement de la crise russo-ukrainienne et le renforcement de la menace terroriste au sud ont conforté la pertinence du nouveau concept stratégique, qui a été confirmé lors du Sommet du Pays de Galle en 2014 à Newport.

Newport a en effet démontré une prise de conscience par les Alliés d'un nouveau paysage sécuritaire, et la volonté d'endiguer le désarmement structurel des défenses européennes engagé depuis plus de vingt ans, sous la pression des crises économiques et d'une certaine démobilisation post Guerre froide.

Plusieurs décisions majeures ont été prises lors de ce sommet, notamment l'adoption d'un plan d'action réactivité, le RAP, qui comprend un ensemble de mesures articulées en deux volets : des mesures d'assurance, visant à répondre à la crise russo-ukrainienne et à renforcer l'unité de l'Alliance face aux actions de la Russie ; des mesures d'adaptation, visant à adapter de manière plus durable l'Alliance aux évolutions de son environnement stratégique et à renforcer sa réactivité et sa flexibilité.

Parmi les mesures d'adaptation que comporte le RAP, les travaux de définition et de mise en oeuvre ont progressé significativement sur les aspects suivants. Premièrement, le renforcement de la réactivité de la Force de réaction de l'OTAN – NATO Response Force, ou NRF – à travers la réorganisation de sa structure en trois brigades. La Force de réaction de l'OTAN, qui permet actuellement de déployer 5 000 hommes en 30 à 60 jours, pourra compter désormais jusqu'à 40 000 soldats.

Deuxièmement, la définition des paramètres principaux de la force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation de l'OTAN, dite VJTF, qui doit pouvoir mobiliser un bataillon – 800 hommes – dans les deux jours, et une brigade – 5 000 à 7 000 hommes – dans les cinq à sept jours, et ce partout dans le monde. En 2016, la VJTF est dirigée par l'Espagne. Sept Alliés, dont la France, ont déjà offert d'assumer le rôle de pays chef de file les années suivantes.

Troisièmement, l'établissement d'éléments de commandement et de contrôle, dits unités d'intégration de forces – NATO Force Integration Units, ou NFIUs – sur le territoire de huit Alliés orientaux : la Pologne, les États baltes, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et la Slovaquie. Ces éléments faciliteront un éventuel déploiement de la VJTF et assureront une présence physique de l'OTAN. Par ailleurs, les 28 États membres se sont engagés à consacrer 2 % de leur produit intérieur brut au titre de la défense, et 20 % de cet effort à l'investissement dans les futurs équipements militaires à l'horizon 2025.

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