Il ne s’agit pas uniquement du football, mais bien au-delà, de toutes les compétitions sportives professionnelles. Concrètement, les clubs pourront désormais refuser la délivrance de titres d’accès ou s’opposer à l’accès d’un certain nombre d’individus qui ont porté atteinte ou portent atteinte aux dispositions prises par les organisateurs pour contribuer au bon déroulement et à la sécurité des manifestations sportives.
Il nous apparaît indispensable, sur les plans juridique et opérationnel, de clarifier la situation actuelle, car hormis l’obligation faite aux organisateurs de manifestations sportives d’en refuser l’accès aux interdits de stade, et la possibilité contractuelle dont ils disposent toujours de résilier un abonnement en cas de non-respect des conditions générales de ventes, des incertitudes juridiques entourent les conditions dans lesquelles un organisateur peut refuser la vente ou interdire l’accès au stade ou à une tribune. Je pense notamment à un problème que les services opérationnels nous ont précisément décrit : celui des manoeuvres de « contre-parcage », qui consistent, pour des individus cherchant à semer le désordre, à essayer de pénétrer dans des tribunes adverses.
Il est tout à fait légitime et souhaitable qu’en pareil cas, les clubs professionnels – et donc, très concrètement, les stadiers, qui sont leurs agents – aient le pouvoir de refuser l’accès ou d’annuler le billet. En aval, il faut évidemment préciser le cadre juridique – c’est notre office – permettant aux organisateurs de manifestations sportives de mettre en oeuvre un traitement des données personnelles des individus présentant un danger pour la sécurité dans le stade.
En l’état actuel du droit, les organisateurs peuvent mettre en oeuvre des fichiers d’interdits de stade à partir des données qui leur ont été transmises par le préfet. Mais ils ne peuvent créer de traitements de données relatifs à des personnes exclues pour d’autres motifs, si ce n’est – ainsi que l’a indiqué la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans une délibération du 30 janvier 2014 – pour impayés, pour non-respect des règles de billetterie, pour activité commerciale dans l’enceinte sportive en violation des conditions générales de vente et pour paris dans le stade sur le match en cours. La CNIL elle-même, dans cet avis que nous avons examiné à la loupe, a invité le Parlement et le Gouvernement à rendre la législation plus opérationnelle.
C’est pourquoi nous prévoyons, par cette proposition de loi, que la mise en oeuvre de ces traitements automatisés de données sera soumise à un encadrement précis, destiné à assurer le respect de la vie privée. Les données personnelles ainsi récoltées devront être traitées et conservées dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 dite « loi informatique et libertés ». Une déclaration devra ainsi être effectuée auprès de la CNIL, et la personne concernée sera naturellement informée qu’elle dispose d’un droit d’accès et de rectification. La CNIL sera chargée du contrôle de la mise en oeuvre de ces traitements automatisés.
À cet égard, le décret en Conseil d’État qui devra préciser les conditions de mise en oeuvre de ces traitements automatisés mentionnera un certain nombre d’éléments très précis : les données que les organisateurs sont autorisés à conserver concernant ces individus fauteurs de trouble, c’est-à-dire au moins leur nom, leurs prénoms, leur date de naissance, le numéro de leur carte d’abonnement, le cas échéant, et le ou les motifs pour lesquels ils sont inscrits dans le traitement ; la durée de conservation de ces données, qui devrait être d’au moins dix-huit mois, afin de couvrir au moins une saison et le début de la saison suivante ; ainsi, bien sûr, que les destinataires de ces données en dehors du club concerné : les services de l’État, au premier chef, les fédérations agréées, les ligues professionnelles et les clubs où se déplacent les supporters du club détenteur d’un tel traitement. Tous ces éléments seraient définis par le décret en Conseil d’État auquel notre proposition de loi renvoie, après avis de la CNIL.
Troisième mesure : nous avons travaillé, au fil des auditions et lors des réunions de la commission, pour renforcer l’organisation du dialogue avec les supporters. Nous sommes tous, sur tous les bancs de cette assemblée, très attachés au renforcement de ce dialogue, qui doit être mieux organisé à l’échelle locale comme nationale. Dans chaque club professionnel, il est tout à fait souhaitable qu’un ou plusieurs référents soient chargés d’assurer des échanges réguliers avec les supporters du club. Nous sommes nombreux à avoir déposé un amendement en ce sens – c’est le cas du président François de Rugy. C’est un amendement très utile que nous étudierons et que nous adopterons très largement, j’en suis persuadé.
Je suis favorable, de même, à la création, auprès du secrétaire d’État chargé des sports, d’une instance nationale du supportérisme, pluridisciplinaire, qui serait chargée d’organiser le dialogue entre les supporters et les instances nationales du sport, en particulier s’agissant des questions relatives au bon déroulement des manifestations sportives et à la promotion des valeurs du sport.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’avez compris : c’est une proposition de loi pour les supporters et contre les hooligans que je vous propose d’adopter. La commission des lois l’a votée à l’unanimité, après l’avoir enrichie par des amendements présentés par Patrick Mennucci au nom des députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, et par Philippe Goujon au nom des députés du groupe Les Républicains. C’est dans cet esprit que nous allons poursuivre aujourd’hui, en séance publique, ce travail de co-construction avec les différents groupes parlementaires et le Gouvernement, avec le soutien unanime et public des ligues professionnelles de basket, de cyclisme, de hand-ball, de rugby, de volley et de football.