Vous avez évoqué la question de l'amiante, au sujet de laquelle le ministère du travail et l'INRS ont été mis en cause. Il va de soi qu'en matière de santé et de sécurité au travail, la responsabilité de l'État demeure fondamentale. Le rôle que doivent jouer les partenaires sociaux ne remet aucunement en question celui de l'État.
La santé et la sécurité au travail relèvent tout à la fois de l'expertise sanitaire, un domaine dans lequel l'État joue un rôle primordial pour tirer les conséquences des données scientifiques concernant les risques associés à telle ou telle substance, et du dialogue social concernant le travail et son organisation. Elles relèvent donc aussi des partenaires sociaux. De ce fait, le concept de tripartisme est sans doute adapté à ces questions, sachant qu'il appartient à l'État de fixer les normes et les règles en s'appuyant sur les données scientifiques et en veillant à ce qu'il existe une capacité d'expertise – c'est par exemple l'objet de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES. Les partenaires sociaux, quant à eux, sont les acteurs de la santé au travail dans les entreprises et dans les branches professionnelles. Les organismes tels que l'OPPBTP élaborent des outils de prévention, mais ne conduisent pas des missions d'expertise sanitaire. Il va de soi que le conseil d'administration de l'ANSES n'est pas composé de la même façon que celui de l'OPPBTP, même si les partenaires sociaux y sont également représentés. C'est dans le cadre du conseil d'orientation des conditions de travail que nous tâchons d'articuler l'ensemble de ces points de vue sur la santé au travail. À cet égard, nous réfléchissons à adapter la gouvernance de l'INRS – qui possède une compétence plus poussée dans le domaine de l'expertise sanitaire – pour qu'elle corresponde davantage aux missions de cet organisme, qui est presque intégralement financé par la branche ATMP, dont le budget est de l'ordre de 100 millions d'euros et dont le conseil d'administration est strictement paritaire, alors qu'il conduit des travaux d'expertise – concernant l'amiante, par exemple – sur lesquels le ministère du travail s'appuie. Quoi qu'il en soit, le mode de fonctionnement actuel peut s'assimiler à un tripartisme.
Certes, les acteurs de la santé au travail sont nombreux et il est indispensable de renforcer la cohérence et l'efficacité globale du système. Nous avons par exemple mis au point un mécanisme de contractualisation entre les services de santé au travail, les CARSAT, qui relèvent de la Sécurité sociale, et les services de l'État. Les partenaires sociaux doivent renforcer cette concertation dans les différentes instances où ils siègent.
Enfin, l'émergence de nouvelles formes d'activité constitue un enjeu majeur pour l'avenir, auquel nous commençons à réfléchir. Le développement du télétravail, par exemple, soulève des questions de prévention des risques, de prise en charge des accidents du travail, de régulation de la charge de travail. De même, le développement de plateformes collaboratives et « d'uberisation » impose une réflexion collective.