J'ai déjà répondu à votre question concernant la retraite par répartition. En 2006, j'ai reçu un grand universitaire américain qui souhaitait comprendre nos régimes de retraite. À sa demande, je lui ai expliqué notre système par répartition. Il a été très surpris lorsque je lui ai dit qu'il n'y avait pas de provisions pour les retraites futures. Je lui ai expliqué que les pensions étaient garanties par la solidarité entre les générations. Il s'est alors étonné que les gens ne descendent pas dans la rue contre un tel système. Je lui ai répondu qu'ils descendaient bien dans la rue, mais pour le défendre.
Négocier de nuit n'est pas une bonne chose. Généralement, on passe des mois à discuter des préambules et on décide de tout dans les derniers jours ou les dernières heures. Certes, il en va ainsi de toutes les négociations dans la vie réelle, mais il faudrait peut-être un mode de fonctionnement un peu plus raisonné.
Dans la tradition française, c'est toujours le patronat, actuellement le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), qui tient la plume. Les organisations syndicales contestent cet usage, mais pas au point de refuser de négocier ou d'exiger d'exercer elles-mêmes cette responsabilité ou de la partager. Du reste, le patronat ne serait pas contre. Au fond, les syndicats s'accommodent très bien de la situation actuelle pour plusieurs raisons. D'abord, lorsque les sujets sont très techniques, les syndicats peuvent soutenir des thèses ou contester le système proposé, mais ils n'ont pas toujours les moyens de concevoir eux-mêmes un système alternatif – c'est d'ailleurs un véritable problème. Ensuite, les syndicats qui savent très bien qu'ils ne vont pas signer n'ont aucun intérêt à prendre la plume : ils préfèrent s'opposer aux propositions en dénonçant leur caractère unilatéral et inacceptable. Enfin, n'oublions pas que le patronat tient toujours une série de rencontres officieuses avec les syndicats avant de présenter un avant-projet. Donc, sauf exception, le jour où le papier arrive sur la table, les syndicats, tout au moins ceux qui sont prêts à négocier et, le cas échéant, à signer, en connaissent déjà le contenu.
Quant au lieu des négociations, c'est traditionnellement le siège du MEDEF, qui est confortable, central et pratique pour tout le monde. On ne trahit pas son âme en fonction du lieu où l'on négocie ! Comme vous le savez, il est question de faire du CESE, qui a déjà accueilli la grande conférence sociale, l'hôte régulier, le « Hilton » des négociations – dans lesquelles il ne jouera pas davantage de rôle qu'aujourd'hui. Pourquoi pas ?
La question de savoir qui tient la plume est certes plus importante que celle du local des négociations, mais ce n'est pas, selon moi, une question centrale.