Intervention de Jean-Marc Jancovici

Réunion du 26 janvier 2016 à 16h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Jean-Marc Jancovici, associé fondateur de Carbone :

S'agissant de la proposition de loi évoquée par la rapporteure, je ne saurais vous répondre, car je n'en ai pas pris connaissance. À propos de l'exemple californien, que je ne connais pas en détail, je rappellerais seulement que la taxe carbone n'a nulle part été fixée à un niveau assez élevé pour produire un effet sur la consommation de carburant. Pourtant, comme l'a bien dit mon associé, une baisse de cinquante dollars par baril correspond à une taxe carbone de 100 euros par tonne de dioxyde de carbone.

Il n'est donc pas raisonnable d'attendre que le prix du brut baisse pour tenter d'instaurer une taxe carbone. Si le prix remonte alors que cette taxe n'est pas en place, c'est le producteur qui simplement la plus-value. Or, pour que la taxation du carbone soit efficace, pour qu'elle conduise par exemple à une électrisation du parc des voitures particulières, il faut qu'elle s'élève à un montant oscillant entre 100 euros et 500 euros par tonne de dioxyde de carbone.

A contrario, les tramways qui roulent autour de Paris, sur la petite ceinture, n'attirent souvent qu'un trafic d'induction. Ceux qui les empruntent prenaient auparavant le bus, le métro ou bien marchaient. À part certaines responsables politiques, personne n'irait prétendre que plus d'un passager du tramway sur dix empruntait auparavant sa voiture pour le même déplacement. Il faut mesurer à cette aune l'efficacité réelle des projets de tramway du point de vue des émissions de dioxyde de carbone évitées, pour mesurer le bon emploi des finances publiques comme des investissements privés. Nous évaluons approximativement le coût de la tonne de dioxyde de carbone évitée à quelques centaines d'euros, quand la solution emprunte la voie technologique.

Or je ne connais pas un marché du dioxyde de carbone où l'on ait mis la tonne à seulement 150 ou 200 euros. Pour revenir à l'exemple californien, je vous ferai deux réponses : d'abord, ne m'étant pas penché de près sur le sujet, je ne saurais rien vous dire de précis ; ensuite, vu le niveau auquel cette taxation doit être fixée, je serais tout de même prêt à parier avec vous que son effet sur le report d'un mode de transport à l'autre est non perceptible.

Comment fait-on pour subventionner une prime à la casse quand l'argent public fait défaut ? Cela fait partie des quelques cas de figure où la subvention est efficace. Un investissement est en effet rentable à partir du moment où il permet de faire baisser la consommation de combustible à service constant : l'isolation des logements chauffés au fioul ou gaz, mais non à l'électricité, en est un exemple ; la baisse de la consommation des véhicules à déplacement constant en constitue un autre. En effet, des importations se trouvent ainsi évitées et remplacées par des services domestiques, qui emploient des gens en France. Ces mesures sont donc favorables à la croissance.

Avant la chute des cours, le montant annuel des importations de pétrole oscillait en France entre 80 milliards et 90 milliards de dollars. J'évaluerais aujourd'hui leur montant à 50 milliards d'euros, ou même un peu moins. Si nous parvenons à diviser par deux ces importations, cela représente une économie de 25 milliards d'euros par an. En multipliant ce montant par cinquante, vous obtenez le montant de l'investissement que vous pouvez réaliser sans effet macro-économique évident, puisque le revenu annuel correspondant est assuré par ces moindres importations. Or cela représente tout de même une somme importante…

Par comparaison, il y a trente millions de véhicules qui circulent en France. Si vous estimez chaque véhicule à 20 000 euros, cela représente 600 milliards d'euros d'actif circulant. La prime à la casse constitue donc l'un des rares cas de figure où l'investissement est rentable, car il y a l'externalité positive que constitue l'externalité évitée. Cela ne serait pas vrai dans le cas d'un investissement ne permettant pas de réduire les importations. Je pourrais par ailleurs évoquer la filière du biogaz.

Dans le domaine des transports, les agents économiques ont une logique budgétaire, comme l'a bien établi l'économiste Jean-Pierre Orfeuil. Si l'offre de transports est plus accessible, ils en consommeront davantage. Cela veut dire que, si la consommation des véhicules descend à deux litres aux cent, plutôt que six, il faudra multiplier par trois le prix de l'essence, en instituant par exemple une vignette fonctionnant comme une taxe annuelle à la détention de véhicules. Car les usagers des transports en commun, comme l'avait analysé Jean-Pierre Orfeuil, demeurent aujourd'hui des automobilistes contrariés. La vignette doit donc avoir un prix dissuasif pour les véhicules qui consomment dix litres aux cent. Il ne s'agit ni plus ni moins que de la fameuse vignette qu'on a supprimée en 2000.

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