Je répondrai en commençant par le déploiement des compteurs Linky.
Le programme Linky, rappelons-le, a fait l'objet d'une expérimentation, contrairement à ce qui fut fait pour le déploiement des compteurs à gaz. Nous avons ainsi expérimenté en zone urbaine, en l'occurrence à Lyon, et en zone rurale, dans la périphérie de Tours, la réalité industrielle du déploiement, sur 300 000 compteurs. Nous avons pu tester ainsi la réaction des appareils, ce qui nous a beaucoup appris et nous a permis de monter en gamme et en qualité. Les aspects logistiques du déploiement sont également fondamentaux. Le business plan est construit sur des coûts qui sont affectés à 40 % aux appareils et à 60 % à leur pose. Cela requiert naturellement une maîtrise industrielle des fabricants comme des installateurs ; ces derniers doivent également être suffisamment nombreux.
En 2015, nous avons, en outre, effectué une pré-série d'installations sur les sites de Nice, Lorient et Lyon, pour tester encore plus précisément les aspects industriels. Cela fait, nous avons enfin donné le top départ à la mise en oeuvre du programme au 1er décembre, comme je vous l'ai dit. Ce programme s'appuie sur des fournisseurs qualifiés, des installateurs formés et un personnel d'entreprise capable d'animer l'opération jusqu'au niveau ultra-local. Nous avons choisi un déploiement en taches de léopard : la première année, toutes les régions verront les installations commencer ; la deuxième année, ce sera le tour de toutes les grandes villes ; la troisième, aucun département ne restera plus à l'écart du déploiement, et ainsi de suite jusqu'à mailler l'ensemble du territoire. Les élus saluent assez largement cette démarche, qui assure une équité entre les territoires.
Au nombre de 10 000, les emplois induits se répartissent en deux grandes catégories. Une moitié est liée à la fabrication des compteurs, qui sera localisée en France. Six fabricants sont mobilisés. Ils ont construit la moitié des lignes de montage spécialement pour la circonstance, qui bénéficient également à l'écosystème associé – fabricants de connecteurs ou de plastique, par exemple. L'autre moitié des emplois sera affectée à l'installation des compteurs. Il s'agira principalement d'emplois d'électriciens, mais les électriciens à eux seuls ne suffiront pas. Nous avons donc élargi l'accès à la formation spéciale qui est prévue. Des équipes elles-mêmes régionalisées apporteront leur soutien et leur expertise aux installateurs, en suivant et en pilotant le déploiement des compteurs.
Au moment où je vous parle, nous maintenons nos objectifs initiaux d'installation. La qualification des fabricants est en phase terminale, puisque, ayant atteint la maîtrise de leur chaîne de fabrication, de sa productivité et de sa compétitivité, ils sont entrés dans la phase industrielle. De fait, le passage de la théorie à la pratique industrielle n'est jamais aisé.
S'agissant de la sécurité des données, ce projet industriel se caractérise par sa haute technologie. Nous avons créé un laboratoire Linky, qui est l'un des plus élaborés au monde. Une délégation chinoise l'a visité et s'est déclarée intéressée pour en accueillir un. Y sont testées toutes les fonctionnalités de Linky, en torturant, pour ainsi dire, l'appareil en tous sens, et en mesurant le respect des normes dans ces conditions. L'aspect particulier des ondes fait l'objet de sollicitations sans doute plus bruyantes que nombreuses ; en tout état de cause, nos interlocuteurs utilisent fort bien les réseaux sociaux. Évidemment, nous ne saurions développer ces compteurs sans avoir sécurisé les normes les plus élémentaires en la matière. Linky n'émet des ondes qu'à un niveau très faible, en tout cas sans commune mesure avec le niveau des ondes émis par nos téléphones, nos smartphones ou ordiphones. Vous pourrez le rappeler, à l'occasion, à ceux qui se servent de ces appareils pour vous alerter au sujet de Linky…
Un compteur Linky n'émet pas plus d'ondes qu'un compteur électronique. Il n'émet pas d'ondes radio, comme peuvent le faire beaucoup d'autres compteurs communicants dans le monde, qui transmettent les informations par ces ondes dans le domicile des clients. À la différence de ces appareils, Linky utilise les courants porteurs en ligne, signal électrique qui se superpose à l'onde électrique. Il n'y a donc pas d'émission radio, puisque le signal est ensuite transmis, à partir des postes de transformation, par le réseau habituel de télécommunication. Celui-ci peut certes poser problème au niveau des antennes, mais cela est indépendant de la pose des compteurs Linky. Les considérations de sécurité sur les ondes sont cependant difficiles à faire valoir auprès de personnes parfois placées dans des situations dramatiques du fait de leur hypersensibilité. Mais le discours dicté par l'émotion ne résiste pas à l'examen du problème dans ses dimensions normative et industrielle.
Nous avons fixé des normes de test dont nos fournisseurs ne connaissent l'équivalent nulle part ailleurs. Nous avons également interpellé la ministre de la santé Marisol Touraine pour que ses services s'expriment sur le sujet. Ils n'ont pas voulu le faire directement, mais ont lancé une étude. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) devait ainsi publier à la fin de l'année dernière une étude spéciale, mais il faudra encore attendre le mois de juin ou de juillet de cette année pour en prendre connaissance. Nous comptons sur ce document, public et publié par les pouvoirs publics, pour étayer notre discours d'industriel.
Ce discours s'exprime d'ailleurs même au niveau mondial, comme je peux le constater comme président d'Alliance G3-PLC, association universelle des fabricants de compteurs en ligne. La question des ondes justifie notre stratégie de déploiement, qui commence par des échanges avec les élus locaux. Nous les informons et leur mettons en main les éléments de réponse nécessaires. Certains d'entre eux sont cependant confrontés à des exemples d'électro-sensibilité tellement prégnants et tellement aigus qu'ils peinent à s'engager plus avant en faveur de Linky.
J'en arrive à la protection des données. Nous travaillons de manière directe avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui a émis des recommandations sur le projet Linky. Nous les observons en mettant en oeuvre des mesures de cybersécurité sur trois niveaux : au niveau du compteur, les données recueillies sont chiffrées ; les compteurs, installés par grappes de cinquante à cent unités en moyenne, communiquent via les concentrateurs installés au sein des postes de transformation, qui sont équipés d'une security box, petit coffre-fort où une clef de chiffrage est installée ; le système d'information est bunkérisé au niveau national, grâce à de nouvelles clefs de chiffrage. Certes, personne ne peut jamais dire que la sécurité est garantie à 100 %, mais, au stade de développement des technologies actuelles, le niveau garanti est ce qu'on peut faire de mieux. Les entreprises étrangères viennent d'ailleurs voir comment nous procédons. Nous assurons donc une vraie préservation des données.
Avec l'ADEME, nous avons signé une convention. Après des frictions initiales, l'Agence a pris conscience de l'importance de Linky dans la transition énergétique. Elle constitue un relais de proximité pour apporter des réponses aux interrogations suscitées par le déploiement de Linky, notamment au sujet des ondes électromagnétiques.
S'agissant de la tarification et de son ajustement par rapport à la puissance des compteurs, la première phase d'expérimentation, qui a vu l'installation de 300 000 compteurs, a révélé des anomalies historiques dans le calibrage initial, tantôt insuffisant tantôt trop important. Avec la CRE, nous sommes convenus que la régularisation de puissance serait gratuite la première année, sans rappel sur les années précédentes. Il n'y aura donc pas de victimes sur ce plan, la remise à niveau faisant partie du contrat. Au-delà des douze premiers mois, elle redeviendra cependant payante. Mais le client sera alors revenu, grâce au compteur Linky, à une connaissance précise et fine de ses besoins.
Même si les rumeurs courent dans les médias sur les cas de refus d'installation, ils ne représentent que 1,5 % du total, généralement à cause de la question des ondes. Ils contrarient l'obligation qui nous est faite d'installer les compteurs, mais ne menacent pas, du fait de leur nombre relativement peu important, la tenue des objectifs.
Quant à l'effacement diffus, je voudrais rappeler qu'ERDF n'est pas un opérateur d'effacement. Le compteur Linky peut permettre cependant de l'effacement tarifaire, car il ménage une grande manoeuvrabilité aux fournisseurs pour varier leur offre commerciale. C'est une évolution très significative. Mais les informations qu'il transmet ne permettraient un ajustement de consommation que toutes les heures ou toutes les demi-heures. À ce rythme, l'effacement n'est pas possible, car il suppose un pas de temps quasi immédiat dans la transmission de l'information.
Enfin, en ce qui concerne la gratuité de l'installation, nous n'avons pas de raison de revenir sur ce principe. Dans notre équation globale, les coûts d'investissement seront couverts par les économies induites. Nous n'avons aucune raison d'en douter. De ce point de vue, le financement est assuré. Ce que vous appelez les difficultés de la maison-mère EDF ne mettent pas non plus en cause notre politique d'investissement, en particulier le financement de Linky.