Monsieur Pueyo, pour ce qui est des pertes de Daech, les chiffres dont je dispose sont plus significatifs. Certes, le comptage est délicat, mais la coalition estimerait que nous en sommes à quelque 25 000 tués, dont 150 combattants français – chiffre dont nous sommes sûrs. En effet, l'intervention dure depuis deux ans, et il y a eu beaucoup de combats. Cependant – et je réponds en même temps à M. Candelier – Daech se renouvelle. Le nombre de ses combattants est estimé à 40 000 ou 50 000, et n'a pas vraiment diminué. Depuis deux ans, d'autres combattants étrangers sont en effet venus rejoindre l'organisation à partir de pays divers, non uniquement européens. Les recrutements concernent les Australiens, les Tchétchènes, les Russes, bien sûr les Tunisiens… Il s'agit d'une force internationale, et ces combattants étrangers, qui participent aux combats en première ligne, sont tués en premiers.
Sur la Libye, l'Égypte, l'Algérie et la Tunisie sont enfin tous d'accord sur le processus à mener : ils soutiennent le Premier ministre al-Sarraj, même s'il n'est pas certain qu'ils font tous l'effort d'imposer ce point de vue auprès de leurs propres amis. Nous devons continuer à soutenir ce processus politique, validé par une résolution des Nations unies, pour aboutir à un résultat. Plusieurs questions se posent néanmoins. D'abord, le Premier ministre, qui bénéficie du soutien international, doit également acquérir une assise politique et militaire la plus large possible sur son propre territoire – ce qui n'est pas acquis. Si cela ne se produit pas, on risque de se retrouver avec un troisième gouvernement au lieu d'un gouvernement unique d'union nationale. Ce mois de janvier est donc crucial. Il faudra ensuite que le Premier ministre intègre dans l'armée libyenne tous ceux qui pourraient en faire partie, et la solidifie sous un commandement central. Enfin, il faudra combattre Daech avec cette armée et les soutiens que le Premier ministre demandera à la communauté internationale. Cependant, nous n'en sommes pas là. Actuellement, seul le Premier ministre est reconnu internationalement ; il faut qu'il forme un vrai gouvernement.
Quant à la Tunisie, nous coopérons activement avec elle. Je m'y suis rendu à deux ou trois reprises, et nous apportons un soutien à l'armée de ce pays, en particulier dans le domaine des forces spéciales. Mais l'armée tunisienne reste extrêmement vulnérable. Donc, monsieur Fromion, peut-être que les Européens seront appelés à intervenir ; mais il faut qu'ils le soient par le biais d'une initiative politiquement validée. En tout état de cause, les Européens ne devront pas y aller seuls ; dans une opération de combat contre Daech, les voisins de la Libye doivent être présents.
Ce sont les forces du général Haftar qui ont combattu dans l'opération à Brega qui visait à empêcher Daech de conquérir des puits de pétrole. Les combats contre Daech sont donc déjà en cours, mais l'autorité nouvelle doit réunir les forces officielles libyennes, dites forces de Tobrouk, et les diverses milices ayant fait allégeance à Tobrouk ou à Tripoli. Cette synthèse sera délicate.