La France et l'énergie nucléaire entretiennent une histoire compliquée, une longue histoire faite d'amour et de désamour qui a commencé en 1957, à Chinon, avec la construction du premier réacteur électronucléaire à usage civil en France, entré en service six ans plus tard.
Aujourd'hui, notre pays compte cinquante-huit réacteurs de différentes puissances, répartis sur dix-neuf centrales nucléaires. Selon le dernier bilan de RTE, 77 % de la production d'énergie totale en France en 2014 était d'origine nucléaire, contre 12,6 % pour l'hydraulique, 5 % pour les centrales thermiques à combustibles fossiles, 3,1 % pour l'éolien et 1,1 % pour le photovoltaïque. La France est ainsi le deuxième producteur mondial d'électricité nucléaire derrière les États-Unis et loin devant la Russie, la Chine – même si sa part augmente –, le Canada ou le Royaume-Uni.
La question de la gestion des déchets issus du nucléaire entretient cependant le désamour avec la filière nucléaire. Le sujet qui anime nos débats aujourd'hui est loin d'être nouveau, comme nous le savons tous. En août 1999, le journal Le Monde faisait paraître un article débutant ainsi : « Le Gouvernement vient de donner son feu vert à la construction d'un laboratoire souterrain, dans l'argile de la commune de Bure, où seront menées des recherches sur le confinement à long terme des résidus du nucléaire » –, après des études menées de 1994 à 1996.
Vingt ans plus tard, le centre de stockage de déchets radioactifs Cigéo fait toujours débat. Introduites puis retirées du projet de loi sur la transition énergétique et de la loi Macron, les conditions de mise en oeuvre du principe de réversibilité du stockage des déchets nucléaires n'ont toujours pas trouvé le cadre législatif attendu. Pourtant, la loi de 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs précise que l'autorisation de création d'un centre de stockage en couche géologique profonde ne sera délivrée que si la réversibilité de ce stockage est assurée pour une durée d'au moins cent ans.
Tout cela prend donc du temps, un temps nécessaire qui n'est rien au regard de la durée de vie radioactive de plusieurs milliers d'années des déchets concernés – des déchets qui représentent 3 % à 4 % du volume des déchets radioactifs produits en France, mais qui concentrent plus de 99 % de la radioactivité produite sur le territoire national. Nous allons cependant devoir accélérer si nous ne voulons pas transmettre, encore un peu plus, à nos enfants, l'héritage d'une société qui aura cruellement manqué de courage sur des sujets aussi lourds de conséquences.
Nos collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Louis Dumont, Christian Bataille et Anne-Yvonne Le Dain, ont déposé en novembre dernier une proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue. Quel regard portez-vous sur ce texte ?
La question du travail sur la mémoire à transmettre aux générations futures n'y figure pas pour le moment. Depuis fin 2010, l'ANDRA a cependant engagé un travail sur ce thème par le biais du projet « Mémoire pour les générations futures ». Pouvez-vous faire un point sur ce projet et nous faire savoir s'il serait pertinent et utile d'inscrire cette réflexion dans un cadre législatif ?
Le nouveau calendrier pour le projet Cigéo repousserait l'instruction de la demande d'autorisation de création de l'installation à 2018 au lieu de 2015. Pouvez-vous nous confirmer ces informations et nous donner la position des ministères de tutelle sur ce projet, ainsi que sur le calendrier envisagé ?
Enfin, travaillez-vous ou avez-vous prévu de travailler avec d'autres pays bien avancés sur ce sujet, de façon à partager les expériences ? Je pense par exemple à la Finlande, où la construction du site d'Onkalo vient d'être approuvée par le gouvernement, ou à la Suède, où un premier coup de pioche est prévu avant 2020 à Forsmark.