Intervention de Abdoullah Lala

Réunion du 15 janvier 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Abdoullah Lala, vice-président :

Comme l'a rappelé en préambule le président Mondon, avant d'être président de la Commission de développement économique au CESER de La Réunion, j'ai occupé pendant quatre ans les fonctions de Président des experts-comptables de l'île de La Réunion. C'est également à ce titre que je vais m'exprimer. De fait, l'expert-comptable est un observateur privilégié du terrain socio-économique, car il est aux côtés des petites entreprises et au plus près de leurs préoccupations quotidiennes.

Dans ce cadre, nous avons développé à Paris, la cellule INFODOM. Celle-ci a été mise en place en 2009, au moment du vote de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). Concernant les Antilles, la Guyane et à La Réunion, elle a pour objectif de soutenir nos régions et de leur expliquer la fiscalité ultramarine. Nous avons pu ainsi constater que nos instances nationales, tout comme les chefs d'entreprise, connaissaient mal les dispositifs applicables outre-mer.

Par ailleurs, au sein de la Commission de développement économique, qui regroupe les socioéconomiques, mais aussi les représentants de la société civile, syndicats et représentants des consommateurs, nous avons beaucoup travaillé sur le dossier de l'octroi de mer. Je suis donc en mesure aujourd'hui de vous présenter les constats que nous avons faits et les pistes d'évolution que nous avons dégagées.

Premier constat : l'octroi de mer est un outil qui permet à notre économie et à nos entreprises de compenser les handicaps liés à l'éloignement et à l'étroitesse du marché. Ce n'est pas le seul, mais il nous aide beaucoup.

Deuxième constat : grâce à l'octroi de mer, nous avons pu développer à La Réunion une politique économique qui a permis l'essor de filières de productions locales – industrie agroalimentaire, usines produisant des chauffe-eau solaires. De véritables filières à l'export ont été soutenues grâce à l'exonération de l'octroi de mer sur les intrants.

Troisième constat : l'octroi de mer a permis de financer le développement économique. À La Réunion, 380 millions d'euros ont été récoltés en 2011.

À partir de ces constats, notre Commission a évoqué quelques pistes de réflexion.

D'abord, et le Conseil est unanime sur ce point, il faut maintenir l'octroi de mer, en conservant le même dispositif et les différentiels de taux – listes A, B et C – applicables. C'est fondamental si l'on veut protéger les filiales locales de production, notamment les filières d'avenir qui se développent rapidement.

Nous avons l'appui non seulement des industriels, mais aussi des représentants des syndicats et des consommateurs. Pour assurer le développement de l'industrie et des emplois locaux, le dispositif actuel de l'octroi de mer doit être préservé. Si quelqu'un prétend que l'octroi de mer freine les échanges, il suffit de lui opposer les chiffres de La Réunion, dont le taux de couverture est de 7 %. Il se trouve que notre région importe, grosso modo, quatorze fois plus qu'elle n'exporte. L'octroi de mer n'a donc pas été pénalisant.

Mais avant de se réjouir, il convient tout de même de porter à l'attention de votre Délégation les éléments suivants :

La Commission a soulevé le problème de la lisibilité du dispositif et, au-delà, de son acceptabilité par les populations ultramarines. Nous proposons d'aller vers un peu plus de transparence. Celle-ci pourrait passer par la simplification de l'échelle des taux, qui sont différents selon les catégories de produits. Pourquoi ne pas adopter un mécanisme simple, avec trois taux ?

Il faudrait informer le consommateur sur l'utilisation des fonds récoltés dans le cadre de l'octroi de mer. Des débats ont eu lieu à ce propos au sein de la Commission. Certains ont même évoqué l'éventualité d'un fléchage.

Il faudrait également apporter des assouplissements en adaptant les listes des produits qui supportent l'octroi de mer, et en adaptant le dispositif aux réalités et à l'évolution des facteurs de production. Une trop grande rigidité a en effet tendance à freiner les collectivités. C'est du moins ce que l'on a constaté sur nos territoires, en particulier à La Réunion.

Par ailleurs, doit-on étendre la base de l'octroi de mer aux services ? L'avis de la Commission a été unanime : c'est une fausse bonne idée. Comme l'a rappelé le président Mondon, le problème de la concurrence avec les pays avoisinants se posera nécessairement. Or, nous n'avons pas encore mené à terme la négociation sur les APE de notre région.

Ensuite, frapper les services d'octroi de mer pénalisera des secteurs qui ne sont pas délocalisables et donc qui répercuteront fortement leurs surcoûts sur l'emploi local. Il est, en effet, plus facile de délocaliser la production de biens industriels que de services, comme la coiffure ou l'esthétique.

Enfin, une telle extension aurait un impact direct sur les prix. Elle aboutirait à accroître le coût de la vie dans nos régions, d'autant que les services tendent à y prendre une part de plus en plus importante par rapport à celle des biens consommés. Cela irait à l'encontre de la politique conduite aujourd'hui par les pouvoirs publics.

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