Nous sommes particulièrement heureux de recevoir Mme Agnès Bénassy-Quéré, présidente déléguée du Conseil d'analyse économique (CAE).
Pour l'audition d'aujourd'hui, nous avons retenu un thème volontairement large qui nous permettra d'aborder la situation et les perspectives de l'Union européenne et de la zone euro.
Depuis la crise économique et financière, les différents observateurs portent un regard inquiet sur l'avenir de l'Union européenne et de la zone euro, et les positions de David Cameron ne sont pas de nature à calmer le jeu. Les propositions se sont multipliées, sans toujours trouver de réalisations concrètes. Dans ce contexte, le rapport dit des « cinq présidents » – présidents de la Commission européenne, du Conseil européen, de l'Eurogroupe, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Parlement européen – publié le 22 juin 2015, illustre le consensus qui se dégage, tant sur le besoin de réformes de l'Europe que sur les grandes orientations à donner pour avancer sur la voie d'une plus grande intégration.
Symbole d'intégration et de solidarité entre États membres, le projet d'une union budgétaire constitue pour notre Commission un sujet d'importance. L'union budgétaire permettrait en effet de renforcer la solidarité et la responsabilité des États, et de donner à l'Union européenne ou a minima à la zone euro des moyens supplémentaires et réels pour faire face aux crises économiques, surtout lorsque celles-ci frappent différemment des économies encore insuffisamment convergentes.
Vos réflexions, madame Benassy-Quéré, nourriront les nôtres, alors que le groupe d'experts de haut niveau sur les ressources propres, présidé par Mario Monti, travaille depuis février 2014 sur ces questions et devrait rendre ses recommandations d'ici fin 2016, et alors que s'enclenche la deuxième phase du rapport des cinq présidents pour renforcer l'Union économique et monétaire. Des propositions sont attendues de la part du groupe d'experts qui sera chargé de rédiger, au printemps 2017, un livre blanc sur ces questions ainsi que de la part des autorités françaises et allemandes d'ici à la fin de l'année – c'est une des annonces du Président de la République. Que peut-on attendre de ces différents travaux ? La faiblesse actuelle du budget de l'Union européenne – à peine 1 % du PNB de l'Union européenne – et les réticences de certains États membres à faire preuve de plus de solidarité, notamment budgétaire – j'ai cité Cameron mais il n'est pas le seul –, vous paraissent-elles surmontables ? À défaut, les projets visant à développer des mécanismes de stabilisation budgétaire pour la zone euro, comme le projet d'une assurance chômage européenne, sont-ils des alternatives crédibles et suffisantes ? Quel regard portez-vous sur les différentes idées émises en matière de mutualisation progressive des dettes ?
La question de l'approfondissement démocratique de l'Union économique et monétaire est également majeure. Quelle est votre approche quant à l'idée d'un Parlement de la zone euro ?
Les questions fiscales illustrent les tensions entre les questions de souveraineté et l'intérêt que représenterait pour l'Union économique et monétaire et le marché unique, une plus grande harmonisation ou convergence fiscale. Elles font aujourd'hui partie des priorités de la Commission européenne, qui vient de publier, la semaine dernière, son paquet « anti-évitement fiscal », ainsi que de la présidence néerlandaise de l'Union européenne. Plusieurs autres mesures législatives et non législatives sont attendues dans le courant de l'année, notamment le plan d'action TVA et la relance du projet ACCIS (« Assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés »).
Un consensus semble s'être dégagé sur les conséquences négatives des distorsions, d'une part, et des pratiques d'optimisation et d'évasion fiscales, d'autre part, liées à une insuffisante convergence fiscale. Les progrès réalisés en Europe depuis quelques années, notamment sous l'action des institutions européennes, vous semblent-ils satisfaisants ? Une question d'échelle se pose également : la sensibilité des questions de fiscalité rend une action de l'ensemble de l'Union européenne très complexe dans un domaine exigeant l'unanimité. Ainsi, le recours aux coopérations renforcées, de plus en plus fréquemment évoqué en la matière, est-il possible et souhaitable au sein d'une union économique et monétaire ? Est-il économiquement pertinent ?
Nous aimerions également, si le temps nous le permet, vous entendre sur la question, plus large, du renforcement du volet social de l'Union économique et monétaire, un engagement de M. Juncker devant le Conseil économique, social et environnemental, ainsi que sur le « plan Juncker » et le Brexit.