Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 9 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, chers collègues, j’aimerais revenir sur un point, auquel je sais que le Premier ministre est particulièrement sensible. Je veux parler de la question des binationaux qui, dans un premier temps, devaient être les seuls concernés par la déchéance pour tous.

Certes, au terme de multiples tergiversations – et bien que l’on ne connaisse pas aujourd’hui la rédaction retenue à l’issue de cet imbroglio – la question des binationaux serait, paraît-il réglée dans le texte constitutionnel, et remplacée par une mesure qui concernerait l’ensemble de nos concitoyens.

Je voudrais tout de même insister sur l’impact considérable que ces débats ont eu sur nombre de nos concitoyens. Il sera difficile de réparer le mal qui a déjà été fait, car beaucoup de blessures ont été réveillées à l’occasion de cette annonce. Même s’il y a renoncé, le Gouvernement avait bien pour intention initiale de remettre en cause, dans notre loi suprême, l’égalité des citoyens devant la loi.

La remise en cause directe de la binationalité était initialement réservée à l’extrême droite qui, par une scandaleuse association, liait la binationalité au terrorisme. Ce projet de loi, et les débats qu’il a suscités, a participé, j’en suis convaincu, à la diffusion de cette idée dans l’ensemble de la société. Parce que ce sont fatalement les binationaux issus des migrations post-coloniales qui se sont sentis visés, même s’ils ne l’étaient pas expressément. Cette réalité conduit le sociologue Michel Wieviorka à relever une contradiction dans l’attitude du Gouvernement : « Quand on rappelle à une partie de la population qu’elle n’est pas exactement comme les autres, on ne peut pas, en plus, lui tenir le discours de l’intégration républicaine […] Dans ce contexte, je comprends le malaise au sein de certaines populations et je le partage. »

Nous partageons nous aussi ce malaise. En voulant toucher aux principes, notamment à celui de l’égalité face à la nationalité, jusque dans leur intouchable universalité, vous laisserez, quelle que soit la version finale de cette réforme, une trace indélébile ; une trace qui n’est pas à l’honneur de notre république.

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