Intervention de Didier Migaud

Réunion du 4 février 2016 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Didier Migaud, Premier, président de la Cour des comptes :

Nous espérons que ce rapport vous permettra d'avancer sur ces sujets. Je précise, à cet égard, que son titre a été modifié pour mieux prendre en compte les attentes de votre Comité et marquer davantage le lien entre la modernisation de l'État et les relations avec les usagers.

Beaucoup de progrès ont été accomplis ces dernières années, et ils apparaissent dans le rapport. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux, du reste, à utiliser les procédures dématérialisées. Ainsi, 75 000 timbres fiscaux dématérialisés ont été achetés en ligne entre mars et avril 2015 ; 35 % des préfectures, et de nombreux commissariats, proposent des prises de rendez-vous en ligne et 100 % des entreprises déclarent et paient en ligne la TVA, l'impôt sur les sociétés et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Un certain nombre de pratiques se sont donc fortement développées au cours des dernières années.

En ce qui concerne la feuille de route que nous préconisons d'établir, un calendrier resserré serait, nous semble-t-il, un gage de crédibilité et un moyen de prévenir les postures de contournement ou d'évitement. Nous ne fixons pas de dates, mais la mise en oeuvre de cette feuille de route pourrait être programmée sur trois ou quatre années. À cet égard, nos recommandations, que nous n'avons pas hiérarchisées, pourraient être regroupées en trois blocs. Le premier comprendrait les mesures qui peuvent être prises dès 2016, dès lors que leur mise en oeuvre est facile ou considérée par vous comme urgente – puisque le Parlement devrait être au moins tenu informé de l'application de la feuille de route. Ces mesures concernent notamment le budget des secrétariats généraux ministériels, le suivi budgétaire, les données de référence pour le stockage, l'administration générale des données. Le deuxième bloc, qui comprend six recommandations, pourrait être mis en oeuvre en 2017. Quant aux mesures comprises dans le troisième bloc, leur mise en oeuvre demande plus de temps, eu égard à la complexité des sujets, puisqu'il s'agit, par exemple, du répertoire des bases de données des administrations, qui sont couvertes par un secret protégé par la loi, ou de la sécurisation et de la localisation sur le territoire national des serveurs. Nous pourrons, si vous le souhaitez, vous préciser le contenu de chacun de ces blocs.

Par ailleurs, nous sommes conscients des risques liés à la réorganisation des services. Obligation de mobilité géographique, accroissement du rythme de travail, perte d'opportunités professionnelles et de promotion indiciaire compte tenu de la réduction du nombre d'unités : telles sont quelques-unes des préoccupations des agents de l'État. La conduite du changement est donc – j'insiste beaucoup sur ce point – un enjeu majeur. Si l'accompagnement des usagers est nécessaire, celui des agents concernés l'est tout autant. Or, le rapport fait apparaître que cette dimension est, pour l'instant, insuffisamment prise en compte dans la démarche générale de modernisation numérique du SGMAP. Nous nous sommes donc efforcés de souligner un certain nombre de bonnes pratiques, notamment la valorisation des progrès permis par les télé-procédures au profit des agents : autonomie plus grande, assouplissement des lignes hiérarchiques, enrichissement du travail par des tâches à plus forte valeur ajoutée intellectuelle… Par ailleurs, il nous faut démontrer la mise en cohérence entre la trajectoire budgétaire et la modernisation numérique pour réduire les risques d'incivilité liés au maintien de services de guichet insuffisants et éviter la dégradation du service rendu. Il convient, en outre, de former l'encadrement supérieur aux conséquences de la numérisation sur l'organisation administrative. Rien ne serait pire que de ne pas tirer toutes les conséquences de ces nouvelles procédures. Or, force est de constater que, pour l'instant, tel n'est pas le cas. Néanmoins, des progrès ont été accomplis ; ils doivent être confortés et amplifiés.

La consultation des usagers existe, mais il est vrai que ces consultations sont, pour le moment, trop ponctuelles et ne portent que rarement sur les services publics numériques. Il s'agit généralement d'études de satisfaction globale, qu'il conviendrait de cibler davantage.

Les niveaux territorial et national sont complémentaires. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la nécessité d'associer davantage les collectivités territoriales à cette démarche. Une instance a été créée par le SGMAP qui a précisément pour mission de favoriser la coordination des différentes actions menées ce domaine, coordination qui est d'autant plus nécessaire que l'État, lorsqu'il délègue certaines de ses compétences, continue d'assurer leur suivi. La complémentarité doit donc être favorisée.

S'agissant des relations entre les secrétariats généraux et les directions, il faut vraisemblablement renforcer les moyens des premiers, sans pour autant remettre en cause le rôle des secondes : un équilibre doit être trouvé dans le partage des tâches qui doit s'opérer entre les unes et les autres.

Certaines questions ont porté sur un éventuel renforcement de la dissymétrie des relations entre les usagers et l'administration. Le numérique peut, au contraire, contribuer à rééquilibrer ces relations. Le logiciel utilisé pour la télé-déclaration de l'impôt sur le revenu, par exemple, permet de se corriger et peut signaler une omission, de sorte que la tâche du contribuable est facilitée. De même, le site consacré au paiement des contraventions en ligne est remarquablement conçu...

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