M. le rapporteur a évoqué la question des très petites entreprises. On s'aperçoit qu'elles sont d'ores et déjà très nombreuses à procéder, par l'intermédiaire d'un tiers, à la télé-déclaration, notamment pour ce qui concerne leurs obligations fiscales. Ainsi, sur un peu plus d'un million de déclarations professionnelles vérifiées par les organismes agréés, 73 % avaient fait l'objet d'une télé-déclaration par un autre intervenant.
Par ailleurs, la fracture numérique existe, mais il convient de relativiser ses effets, dans la mesure où les démarches administratives ne nécessitent pas de disposer d'une connexion au très haut débit, les services concernés n'étant pas très lourds. Ainsi le taux de recours aux services administratifs en ligne est un peu moins élevé dans les territoires ruraux que dans les territoires urbains, mais la différence n'est pas considérable. En revanche, on constate une fracture liée à l'âge et une fracture sociale. Sur ce dernier point, je rappelle que le projet de loi pour une République numérique, que vous avez adopté récemment, comporte une disposition qui crée, sur le modèle de ce qui existe pour l'accès à l'eau potable, au gaz et à l'électricité, le droit au maintien d'une connexion internet, qui est en effet absolument indispensable.
L'organisation de l'État a-t-elle suffisamment évolué ? Sur ce point, nous estimons que le travail reste en grande partie à faire. Cependant, de nombreux projets très intéressants sont dans les cartons, dont il va falloir examiner la mise en oeuvre. Je pense notamment au plan « Préfectures nouvelle génération » du ministère de l'intérieur.
Quant à la dépense informatique, elle est, pour l'État, encore intensive en personnels. De fait, nous externalisons plutôt moins que d'autres pays. Au demeurant, le modèle idéal est-il celui d'une sous-traitance généralisée ? Nous sommes extrêmement prudents sur ce point, car l'exemple anglais montre qu'une externalisation trop poussée aboutit à des surcoûts significatifs et à une perte de compétences. Or, la maîtrise de la connaissance est un enjeu stratégique pour les administrations. À ce propos, je tiens à souligner que, si les métiers évoluent au sein de l'administration, tel n'est pas le cas de la classification des fonctionnaires. Il faudrait entièrement réinventer les métiers d'informaticien de l'État pour s'adapter aux nouveaux besoins.
En ce qui concerne le portail unique, service-public.fr, il permettrait à tout citoyen de trouver le service qu'il recherche, par exemple la prestation d'accueil du jeune enfant de la CAF. Il peut donc, à terme, à condition que cela ne soit pas trop sophistiqué, faciliter considérablement les démarches des usagers, surtout si, grâce à FranceConnect, la CAF, en l'espèce, dispose déjà des informations nécessaires concernant leurs revenus, par exemple. Il suffirait alors à l'usager de communiquer son nom et un identifiant, dont je rappelle qu'il ne peut pas être le NIR, c'est-à-dire le numéro d'inscription au Répertoire national d'identification des personnes physiques, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la CNIL.
Par ailleurs, notre enquête, vous le savez, ne portait pas sur les collectivités territoriales. Néanmoins, quelques-unes d'entre elles se sont d'ores et déjà rattachées à service-public.fr ; les autres devraient en avoir la possibilité. Nous citons également le cas de grandes villes qui, dans le cadre du développement des smart cities, ont beaucoup progressé dans le domaine du service numérique aux usagers.
S'agissant de l'accompagnement des usagers, des initiatives se développent pour organiser le maillage du territoire. De fait, on assiste à un changement complet : les guichets traditionnels vont disparaître mais des points d'accueil, qui peuvent être situés dans les maisons de service au public ou les mairies, organisent un nouveau type de services qui consistent à accompagner les personnes qui ne parviennent pas à se débrouiller seules dans leurs démarches, notamment les personnes âgées et celles qui ne disposent pas d'un accès à internet. De manière générale, nous nous sommes aperçus, au cours de notre enquête, que de très bonnes initiatives sont d'ores et déjà prises, qu'il s'agit maintenant de mettre en oeuvre et de généraliser car il n'est pas nécessaire d'en inventer de nouvelles.
La simplification est également un sujet très important. Souvent, pour qu'un service numérique marche bien, il doit être simple, ce qui suppose que l'on ait préalablement ou concomitamment simplifié la procédure. À ce propos, il conviendrait de se poser la question de la suppression des petites taxes douanières, qui rapportent très peu d'argent et dont la perception coûte si cher que, même si elles étaient numérisées, elles ne rapporteraient pas grand-chose.
En ce qui concerne la protection des données, quelques pages du rapport sont consacrées au rôle de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques (ANSSI), qu'il ne faut pas sous-estimer car il est très important. Lorsque FranceConnect fonctionnera, il constituera, compte tenu des très nombreuses données qu'il rassemblera, un élément de vulnérabilité. Pour nous comme pour nos voisins, la question qui se pose est celle de s'organiser pour protéger soit un grand système, avec l'aide de l'ANSSI, soit plusieurs systèmes. En tout état de cause, des techniques extrêmement sophistiquées permettent d'éviter au moins l'identification des personnes. La sécurisation est une dimension essentielle mais elle ne doit pas empêcher d'agir ; elle doit être prise en compte dans la conception même des systèmes. Nous pensons, quant à nous, que l'ANSSI doit exercer une vigilance constante face aux risques d'attaques contre ces « organismes d'importance vitale », pour reprendre leur vocabulaire. Pour l'avoir contrôlée récemment, je puis vous dire que cette agence est un organisme de grande qualité, qui accomplit un très bon travail mais qui doit suivre ces recommandations en matière de sécurité.