Intervention de Thierry Francq

Réunion du 3 février 2016 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Thierry Francq, commissaire général adjoint au Commissariat général à l'investissement, CGI :

Le suivi des investissements d'avenir dans le domaine de la transition énergétique, de la transition écologique ou du développement durable s'organise en cercles concentriques. Au centre, se trouvent les programmes totalement dédiés à la transition énergétique et à la transition écologique. Leur suivi se fait dans le cadre normal des investissements d'avenir. Une deuxième catégorie de programmes ne concerne qu'en partie la transition énergétique. C'est typiquement le cas du programme Véhicule du futur, qui comprend aussi bien des projets visant à réduire le poids des véhicules pour consommer moins de carburant et diminuer les émissions polluantes qu'à développer des véhicules autonomes. Les programmes d'urbanisme, tels que Ville de demain ou Ville durable et solidaire, appartiennent au troisième type de programmes en ce qu'ils servent le développement durable. Les économies d'énergie en sont un élément prévalent, mais l'organisation de la mobilité ou le développement de l'agriculture urbaine y figurent également en bonne place. Je ne sais pas si l'agriculture urbaine contribue à la transition énergétique, mais elle est, en tout cas, considérée comme faisant partie du concept global de développement durable.

D'autres éléments ne sont pas suivis sous le prisme du développement durable. Ainsi, au sein des crédits massifs consacrés à la recherche académique, nous n'avons pas déterminé ce qui relevait du développement durable. Je ne sais pas, du reste, si l'exercice est possible. Lorsque la recherche se situe très en amont, on ne sait pas toujours quelles en seront les applications concrètes mais on se doute qu'une partie de cette recherche va servir au développement durable. Au-delà même du programme d'investissements d'avenir, identifier ces éventuels débouchés pourrait s'avérer intéressant, ne serait-ce que pour le ministère de la recherche.

Certains projets dans le domaine numérique ou des nanotechnologies ont, a priori, un objet sans rapport. Mais prenons l'exemple de l'institut de recherche technologique Nanoelec qui cherche à développer les liaisons photoniques par l'intégration de puces en trois dimensions. Son premier objectif est d'appliquer la loi de Moore en vertu de laquelle les puces sont de plus en plus petites et de plus en plus puissantes. Passer de la puce électronique à la puce photonique permettrait, à puissance égale, de réduire très fortement la consommation des calculateurs. Sachant qu'aujourd'hui la consommation d'énergie liée à ces calculateurs et aux centres de stockage informatiques est devenue un enjeu économique, si cette recherche aboutit, elle aura un effet très positif sur la consommation d'énergie et les émissions polluantes. On peut donc trouver des effets induits sur la consommation d'énergie dans beaucoup d'actions qui ne sont pas centrées sur la transition énergétique.

Enfin, dans le cadre du PIA 2, il a été décidé d'appliquer une éco-conditionnalité à des actions qui n'avaient pas pour objet la transition écologique en tant que telle. Si les programmes de la recherche et l'enseignement supérieur et ceux concernant la défense ne s'y prêtent pas, des critères ont été mis en place dans le domaine des actions industrielles, avec l'aide du Conseil général du développement durable (CGDD) qui participe à la gouvernance de ces actions. Les dossiers n'en sont encore qu'au stade de l'instruction, et nous ne pourrons juger de l'impact réel de ces critères d'éco-conditionnalité que lorsque nous aurons obtenus des résultats concrets.

En réalité, dans beaucoup de dossiers, ces critères d'éco-conditionnalité s'imposent naturellement du seul point de vue économique. Ainsi, le programme Usine du futur a pour objet de moderniser l'outil de production industriel afin de gagner en compétitivité, or la consommation moindre d'énergie est un élément de compétitivité. L'éco-conditionnalité n'est donc pas forcément une contrainte pour ces projets. L'esprit est plutôt de mesurer les effets induits sur la consommation d'énergie des aides de l'État dans des domaines qui n'ont pas pour objet premier la transition écologique.

Ces critères d'éco-conditionnalité vont nous fournir une matière concrète que nous pourrons mesurer, mais il est vrai que nous n'avons pas essayé de faire un suivi de tous les projets ou de toutes les actions ou parties d'actions qui peuvent y contribuer. Notre dispositif est déjà souvent critiqué pour sa complexité, nous ne voulons pas en rajouter. Mais dans le cadre des évaluations in fine de l'impact des investissements d'avenir, ces études pourraient être utiles : par exemple, caractériser la part de la recherche amont qui contribue au développement durable pourrait être une étude à lancer dans le cadre du PIA.

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