Intervention de Richard Ferrand

Réunion du 10 février 2016 à 16h45
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, rapporteur, président :

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence, accompagné de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, et de M. David Viros, chef du service du président.

Monsieur le président, comme vous le savez sans doute, cette mission d'information commune poursuit deux objectifs. Il s'agit d'abord de veiller à ce que les textes d'application de la loi du 6 août 2015 soient publiés dans les délais annoncés par le Gouvernement lors de la discussion parlementaire, pour permettre une mise en application rapide de la loi. Mais notre mission est aussi de veiller à ce que le contenu de ces textes d'application soit bien conforme à l'intention du législateur. Nous avons parfaitement conscience que ce deuxième objectif relève d'une démarche pour le moins inhabituelle et, à certains égards, novatrice.

Onze articles de la loi du 6 août 2015 mentionnent l'Autorité de la concurrence. Quatre d'entre eux apportent des modifications aux procédures suivies devant elle. Ils sont d'application directe. Vous nous direz si les possibilités qu'ils offrent ont déjà été utilisées. Les sept autres articles prévoient des demandes d'avis à l'Autorité sur différents sujets, notamment les frais demandés par les organismes agréés pour faire passer les épreuves du permis de conduire, l'itinérance métropolitaine en matière de partage des réseaux radioélectriques et l'injonction structurelle outre-mer. Je note que l'Autorité de la concurrence a émis un avis très favorable à l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux gares routières de voyageurs.

Au sein des articles qui impliquent l'Autorité de la concurrence, les dispositions relatives aux professions réglementées sont celles qui ont le plus retenu notre attention – vous le comprendrez aisément.

En premier lieu, l'article 50, qui porte sur les tarifs, prévoit que vous donniez un avis sur le projet de décret relatif aux tarifs et que vous puissiez en outre prendre l'initiative d'émettre un avis sur les prix et tarifs réglementés des professions juridiques. Vous avez bien voulu transmettre à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, et à moi-même l'avis que l'Autorité a rendu le 29 janvier dernier sur le projet de décret.

Nous nous interrogeons sur la conformité de l'approche globale par profession et non acte par acte, que l'Autorité semble approuver, avec l'intention du législateur. Quel est votre avis sur ce point ?

L'Autorité se dit favorable à deux dispositions qui posent, selon nous, des difficultés : la limitation des honoraires à 10 % de la valeur du bien sous-jacent et les taux de remise autorisés. Sur ce dernier point, vous proposez même une plus grande flexibilité permettant de les accroître. Que penseriez-vous de la fixation, ainsi que cela se fait aujourd'hui, d'un honoraire minimal pour ce qu'il est convenu d'appeler les « petits actes » ? De plus, il nous semble que la possibilité de trop fortes remises est susceptible de menacer le financement du fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice. Qu'en pensez-vous ?

Avez-vous l'intention de vous saisir de tout ou partie des arrêtés qui fixeront les premiers tarifs des professions réglementées en application du décret tarifaire, ainsi que la loi vous en donne la possibilité ?

L'article 50 prévoit également que l'Autorité de la concurrence peut recueillir toutes données utiles auprès des professionnels, ainsi que des informations statistiques, définies par voie réglementaire, auprès des instances représentatives de ces professionnels. Recueillez-vous déjà ce type d'informations ? Rencontrez-vous, le cas échéant, des difficultés pour les obtenir ?

En second lieu, l'article 52 prévoit l'intervention de l'Autorité de la concurrence en matière d'installation, à plusieurs titres.

D'une part, l'Autorité est chargée de proposer au Gouvernement la carte faisant apparaître les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services. Le projet de décret énumérant les critères que vous devrez utiliser pour établir cette carte n'est pas encore paru, alors que, si l'on s'en tient à la lettre de la loi, l'ensemble de l'article 52 aurait dû entrer en vigueur le 1er février, et la carte aurait donc dû être publiée à cette date. Nous sommes le 10 février et la procédure permettant de recueillir les observations des personnes intéressées afin d'élaborer la carte n'est, à notre connaissance, pas ouverte. De nombreux professionnels, en particulier des candidats à l'installation, nous interrogent à ce sujet.

Selon vous, pourquoi la parution de ce décret a-t-elle pris du retard, alors qu'elle aurait pu, nous semble-t-il, intervenir bien plus tôt, dans la mesure où le texte est très court et où aucun des critères mentionnés n'est inattendu ? Avez-vous été consultés sur ce projet de décret ?

Comment prendrez-vous en compte le critère du nombre de professionnels salariés dans les offices existants ? Interpréterez-vous un nombre élevé de notaires salariés par office comme le signe d'une offre de service suffisante qui n'appellerait pas la création de nouveaux offices ou, au contraire, de l'existence d'un vivier potentiel de candidats à l'installation ?

Quand pensez-vous être en mesure de proposer une carte au Gouvernement ?

Ces mêmes questions se posent s'agissant de la création de nouveaux offices d'avocat au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, en application de l'article 57 de la loi.

D'autre part, l'Autorité sera amenée à intervenir en matière d'installation : elle donnera un avis pour toute décision de refus d'installation prise par le ministre de la justice dans les zones où l'implantation d'offices serait de nature à porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu ; elle émettra un avis sur la liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires ; elle formulera une recommandation en vue d'améliorer l'accès aux offices publics ou ministériels afin de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d'augmenter de façon progressive le nombre d'offices sur le territoire. À ce stade, avez-vous été consultés sur le projet de décret relatif aux conditions d'installation des professions réglementées ? Quel est votre avis sur le principe de l'horodatage – appelé plus trivialement « premier arrivé, premier reçu » – qui a été retenu ?

Nous avons vu l'appel à recrutement de rapporteurs publié sur le site de l'Autorité pour le nouveau service chargé des professions réglementées. Combien de personnes avez-vous recrutées ? Comment ce nouveau service est-il organisé ?

Enfin, la loi prévoit que, lorsque l'Autorité de la concurrence délibère en application de l'article 52, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. Ces personnalités qualifiées ont-elles déjà été désignées ? Si tel n'est pas le cas, quel est le profil attendu ?

Je vous pose cette première série de questions au nom de l'ensemble des membres de la mission d'information, en particulier de Mme Cécile Untermaier, ancienne rapporteure thématique sur cette partie de la loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion