Nous avons souhaité présenter un rapport qui fasse des propositions. Je résumerai ces propositions de façon simple : il faut passer d'une stratégie de puissance à une stratégie d'influence.
En effet, la France a aujourd'hui une stratégie de puissance efficace. Notre représentation permanente à Bruxelles est considérée comme l'une des meilleures en Europe, et permet à la France de définir de manière efficace ses positions de négociations. Elle est en revanche moins à l'aise pour développer une stratégie d'influence qui demande d'anticiper, de discuter, d'avoir des stratégies plus collectives.
Plus on s'éloigne de l'Europe moins on pèse en Europe. Le discours parfois extrêmement critique – voire de dénigrement - qui est porté en France par un certain nombre de formations politiques est un discours qui n'aide pas à peser sur les choix européens. Sur ce plan, l'exemple britannique est frappant. Nous avons constaté que les Britanniques ont beaucoup perdu en influence ces dernières années alors qu'ils ont une stratégie en termes d'organisation tout à fait élaborée.
La France doit adopter des « réflexes européens » : anticiper, c'est-à-dire participer aux consultations publiques et intervenir le plus en amont possible ; partager l'information ; faire des coalitions, notamment avec les petits pays ; éviter une forme d'arrogance qui nous est souvent reprochée ; parler l'anglais lorsqu'il le faut sans pour autant cesser de défendre le français.
L'administration française, notamment par rapport au rapport de Jacques Floch, a bien pris ce virage.
Nous insistons sur le rapport sur l'importance des experts nationaux détachés : ces fonctionnaires détachés constituent un vecteur d'influence essentiel. Dans un contexte budgétaire contraint, il faut préserver ces postes. Par ailleurs, il faut veiller à ce que le retour en France de ces experts nationaux détachés en France soit satisfaisant en terme de carrière et pertinent au vu de l'expérience acquise lors de leur mobilité dans les institutions européennes.
Nous suggérons un certain nombre d'orientations dont une qui serait de créer une réserve interministérielle d'emplois pour garantir la mise à disposition de ces experts nationaux détachés.
Notre rapport montre aussi que les collectivités territoriales et les entreprises françaises savent de mieux en mieux défendre leurs intérêts à Bruxelles, notamment grâce aux bureaux de représentation qui s'y sont installés. Nous avons d'ailleurs rencontré les uns et les autres. Un travail très important a été fait.
Nous reprenons la proposition formulée initialement par le Conseil d'État en 2007 de mettre en place un Conseil stratégique auprès du président de la République, qui permettrait de mener une réflexion à plus long terme sur les enjeux européens.
La question du positionnement du Secrétaire général des affaires européennes doit également être posée.
Deux options sont possibles. Le Secrétaire général des affaires européennes peut être le conseiller du Premier ministre. Il peut également être rattaché au président de la République. Aujourd'hui, Philippe Léglise-Costa est le « sherpa » du Président de République pour les Conseils européens, mais sa situation reste floue, puisqu'il a officiellement quitté le cabinet du président de la République. Il y a peut-être là une clarification à opérer.
La position du ministre des Affaires européennes doit également être clarifiée. Nous considérons qu'il devrait être placé auprès du Premier ministre, où il pourrait être au coeur de la mécanique interministérielle, et où il pourrait également présider pour le compte du Premier ministre le Comité interministériel sur l'Europe, malheureusement tombé en désuétude. Cela lui donnerait plus de force et plus de crédibilité.
Il pourrait également être le porte-parole du président de la République et du Gouvernement pour les affaires européennes.
Toutes ces questions renvoient évidemment à la dyarchie de notre exécutif, particulièrement prégnante en matière d'affaires européennes, d'autant plus que le Conseil européen a pris une importance croissante au cours des dernières années.
Enfin, nous proposons que la question de l'influence soit traitée comme une véritable politique publique. Cela veut dire une politique avec des objectifs identifiés et assumés, des moyens précis et une évaluation.
Un travail est déjà fait en ce sens mais il faut le systématiser, l'organiser.
Notre commission des affaires européennes devra jouer tout son rôle dans l'évaluation de cette politique publique.