Intervention de Benjamin Lemoine

Réunion du 10 février 2016 à 17h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Benjamin Lemoine, chargé de recherches au Centre national de la recherche scientifique :

À l'époque, c'était vrai. Dans le système actuel, l'État met les banques en concurrence, si bien qu'elles ont plutôt tendance à perdre de l'argent sur ce segment d'activité sur le marché primaire, c'est-à-dire lors des adjudications mensuelles d'obligations du Trésor. Elles sont en concurrence les unes avec les autres et veulent apparaître comme de bonnes élèves aux yeux du Trésor. C'est aussi une question : pourquoi les banques cherchent-elles à être bien classées ? Le Trésor établit un classement des banques en fonction du volontarisme dont elles font preuve lors des adjudications et en fonction de critères qualitatifs.

Les banquiers se plaignent de perdre de l'argent sur ces adjudications, car les taux d'intérêt sont très faibles. Pour eux, ces opérations représentent un coût humain, puisqu'il faut payer un trader obligataire pour s'en occuper. Le trading sur les obligations d'État est une perte, disent-il mais certains d'entre eux expliquent que cette perte à court terme s'inscrit dans une stratégie à long terme : le fait de participer activement à ces adjudications permet d'obtenir des mandats sur les syndications où il n'y a pas de mise en concurrence des établissements bancaires. Lors d'une syndication, une même banque achète l'intégralité d'un certain montant sur un titre et se charge ensuite de le redistribuer aux investisseurs. D'une certaine manière, l'État paie la banque pour ce mandat particulier. Le Trésor recourt généralement à des syndications en cas d'innovation, comme ce fut le cas lors de la vente d'obligations indexées sur l'inflation. Il faudrait savoir s'il y a un débat sur les parts respectives de la syndication et de l'adjudication, si l'on pourrait se passer des syndications, si elles sont inscrites dans le service de la dette et, si c'est le cas, quel est leur coût estimé.

Monsieur Sansu, vous m'avez interrogé sur le système que l'on pourrait imaginer à l'échelle européenne. Effectivement, cela implique de repenser le système bancaire et financier à l'échelle européenne. Dans le cas des eurobonds dont il était question à un moment donné, il s'agissait en quelque sorte d'utiliser la qualité de la signature de l'Allemagne. Ces obligations européennes auraient pu financer certains États, mais avec des contreparties très fortes. D'une certaine façon, ils auraient pu servir d'outils de discipline budgétaire : puisque le modèle allemand permet d'obtenir des taux faibles, les États qui profiteront de ces obligations devront se plier à certaines contraintes. Ce système reproduisait la contrainte. Le circuit du Trésor n'est pas calé sur ce modèle des euro-obligations, ou alors sur un modèle impliquant un Trésor européen collecteur d'épargne, un pôle public bancaire. En fait, l'essentiel de l'arbitrage se joue sur le statut de cet argent, sur le rapport de force entre les circuits de l'argent géré publiquement et les circuits de l'argent privatisé.

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