Intervention de Marc Meunier

Réunion du 10 février 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Marc Meunier, directeur général de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, EPRUS :

L'action de l'EPRUS est complémentaire de celle menée par Jean-François Delfraissy et se situe davantage en aval. Pour mémoire, l'EPRUS est un opérateur du ministère de la santé, chargé de la préparation de la réponse aux urgences sanitaires et, à ce titre, gère un certain nombre de moyens matériels – ce qu'on appelle le stock stratégique de produits de santé de l'État, composé de médicaments et de petit matériel destinés à faire face à une crise de grande ampleur – et de moyens humains, en nous appuyant sur les réservistes sanitaires, c'est-à-dire des professionnels de santé qui ont décidé d'adhérer à l'EPRUS et que nous pouvons mobiliser en cas de crise sanitaire majeure.

Nous ne nous auto-saisissons pas, nous agissons à la demande du ministère de la santé et en particulier de notre tutelle, la direction générale de la santé (DGS). Nous avons connu une très forte croissance depuis deux ans, puisque nous sommes passés, en gros, de quatre missions par an à plus de trente aujourd'hui. Nos effectifs de réservistes sanitaires tournent autour de 2 500 professionnels de santé, médecins de toutes les spécialités, mais aussi aides-soignantes, infirmières, sages-femmes, ingénieurs sanitaires, directeurs d'hôpitaux, ambulanciers… Cette diversité nous permet de proposer une réponse très vaste et qui d'ailleurs évolue : alors que notre action se présentait surtout en termes de soins, on nous confie de plus en plus souvent, on va le voir avec le Zika, des missions d'expertise. Nous sommes encore beaucoup mobilisés dans des crises traumatiques, comme ce fut récemment le cas au Népal, mais nous intervenons de plus en plus sur des maladies infectieuses émergentes, qui deviennent désormais notre actualité.

La chronologie de notre action concernant le Zika montre bien comment a évolué la mobilisation de l'EPRUS. Depuis quelques semaines, nous venons en appui des services locaux – en appui car, notre système de santé sur l'ensemble du territoire national est robuste – soit à titre de moyens de renfort, soit à fin d'expertise ; nous pouvons nous prévaloir d'une certaine expérience puisque nous étions déjà présents en Polynésie française en 2013 et nous avons vécu les épidémies de dengue en Guyane fin 2013, et de chikungunya aux Antilles en 2014.

Les deux premières missions que l'on nous a demandé d'assurer étaient de pures missions de renfort qui se situaient relativement en amont.

Dans un premier temps, nous sommes allés aider l'Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), à Marseille, qui est toujours en partie chargée de l'analyse des prélèvements. Au début de la crise du Zika, il y a eu un afflux de prélèvements et donc d'analyses à réaliser ; or le laboratoire de référence en la matière est celui du service de santé des armées à Marseille, qui a demandé à l'EPRUS de lui apporter un soutien en termes de techniciens de laboratoire. Depuis, la méthode ayant été bien mise au point par ce laboratoire, les analyses se font sur place, à Fort-de-France, à Pointe-à-Pitre et à Cayenne ; nous envoyons des techniciens de laboratoire pour renforcer les équipes locales à Pointe-à-Pitre et à Cayenne.

Notre deuxième mission a consisté à renforcer la surveillance épidémiologique en aidant les cellules de l'Institut de veille sanitaire en région (CIRE) à suivre les signaux, à recueillir et à traiter les données épidémiologiques et à réfléchir sur l'évolution de la maladie. Nous avons envoyé deux médecins de santé publique, le premier pour épauler la CIRE de Guyane, ce qu'il fait depuis le 1er février, le second pour appuyer la CIRE de Martinique. C'est ce que nous avions déjà fait lors de l'épidémie de chikungunya à la Guadeloupe et à la Martinique.

La troisième opération consiste cette fois en une mission d'expertise. Il y a une dizaine de jours, la ministre de la santé a souhaité qu'une mission de quatre experts se rende dans les trois départements français d'Amérique touchés, de façon à faire un point avec les agences régionales de santé (ARS) sur l'organisation de la réponse à l'épidémie de Zika et aux moyens supplémentaires à éventuellement apporter ou à anticiper au cas où la crise aurait des conséquences plus dramatiques que celles que nous connaissons pour l'heure. Nous avons donc envoyé une équipe à la fin janvier, composée d'un directeur d'hôpital, d'un gynécologue-obstétricien, d'un anesthésiste-réanimateur et d'un cadre supérieur sage-femme. Autrement dit, nous avons puisé dans nos ressources médicales, mais également organisationnelles.

Cette mission a commencé par la Martinique, s'est poursuivie par la Guyane et se trouve actuellement à la Guadeloupe. Elle travaille avec les services de l'ARS, mais également avec les centres hospitaliers et les unions régionales des professionnels de santé, bref, avec tous les acteurs locaux de la santé. À ce jour, elle n'a pas encore rendu ses conclusions, mais on peut d'ores et déjà indiquer qu'elle s'intéresse surtout aux deux questions déjà abordées : les syndromes de Guillain-Barré et leur prise en charge au sein des structures hospitalières, et les risques de microcéphalie de l'enfant en cas de contamination des femmes enceintes.

D'ores et déjà, et c'est notre quatrième mission, la ministre a souhaité que l'on envoie immédiatement des premiers renforts auprès du département qui jusqu'à présent en avait le plus besoin : la Martinique. Une équipe de sept professionnels de santé est partie pour s'installer au CHU de la Martinique. Composée d'un anesthésiste-réanimateur et de six infirmiers, elle sera étoffée pour atteindre douze personnes d'ici à la fin de cette semaine. Elle est chargée d'accompagner l'augmentation du nombre de lits de réanimation. On compte relativement peu de cas de syndrome de Guillain-Barré, mais un certain nombre de lits sont déjà occupés par des patients atteints de la grippe ou par des accidentés à la suite du carnaval. L'augmentation du nombre de lits de réanimation nécessite par ailleurs des équipements supplémentaires : nous avons à cet effet envoyé six respirateurs, arrivés hier soir, et dont deux sont adaptables et utilisables en néonatalité.

D'ici à la fin de la semaine, nous allons également envoyer deux respirateurs en Guyane, mais la nécessité ne s'est pas fait sentir pour le moment d'augmenter les effectifs du service de réanimation : les lits ne sont pas tous occupés actuellement.

Les sept personnes que nous avons envoyées à la Martinique constituent également une sorte de tête de pont disponible pour aider à surveiller l'évolution de l'épidémie tant à la Guadeloupe qu'en Guyane, mais également pour se rendre sur place au besoin.

Le dernier volet de notre action concerne la lutte antivectorielle. Beaucoup a déjà été fait dans les départements qui ont été confrontés à la dengue et au chikungunya, mais la ministre a souhaité que l'on envoie une mission de façon, là encore, à aider le niveau local à organiser au mieux cette lutte. Deux spécialistes de la lutte antivectorielle ayant oeuvré à La Réunion et étant pourvus d'une très forte expertise ont ainsi été mobilisés pour faire le tour des trois départements et pour voir ce qui peut être amélioré ; un des deux réservistes restera à la Martinique auprès de l'ARS pour l'aider au quotidien.

À travers ces cinq interventions, qu'il s'agisse de renfort ou d'expertise, l'EPRUS apporte donc une réponse graduée, adaptée à l'évolution de la situation et marquée par une très forte coordination. Tous les jours ou tous les deux jours, notre tutelle, la DGS et son département des urgences sanitaires, réunit l'EPRUS, les ARS concernées et la direction générale de l'offre de soins (DGOS), afin de faire le point sur la situation et de définir au jour le jour les moyens supplémentaires qu'il convient de prépositionner.

Quelle que soit l'évolution de la situation, il convient d'anticiper. Aussi l'EPRUS lance-t-il régulièrement des pré-alertes auprès de nos réservistes sanitaires, par SMS ou courriels afin de savoir quels sont ceux qui seraient disponibles dans les semaines à venir pour intervenir sur tel ou tel aspect de la maladie. Sur nos 2 500 réservistes sanitaires, 1 200 ont une spécialité ou un savoir-faire qui peuvent être intéressants dans la crise du Zika. Et bien qu'ils soient pour la plupart des professionnels de santé en activité et qui ne peuvent donc pas forcément dégager du temps, près de 600 ont répondu présent et sont prêts à partir pour donner un coup de main aux départements français d'Amérique.

Dernier point : ce qui fait notre force ou du moins ce qui explique que nous nous améliorons sans cesse, est le fait de travailler de plus en plus avec l'Institut de veille sanitaire (INVS),

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion