Intervention de Marc Meunier

Réunion du 10 février 2016 à 9h30
Commission des affaires sociales

Marc Meunier, directeur général de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, EPRUS :

Quels enseignements tirons-nous des crises passées – chikungunya, dengue ou Zika en Polynésie française – en ce qui concerne l'apport potentiel de l'EPRUS aux établissements de santé et aux ARS ? Ces instances ont avant tout besoin d'un coup de main en matière d'épidémiologie : face à une maladie infectieuse émergente, elles doivent recueillir, traiter et interpréter un grand nombre de données. Elles ne manquent pas de méthode, mais on peut leur fournir des renforts, que ce soient des petites mains pour saisir les données ou des experts pointus. Ensuite, si les hôpitaux savent faire face à la mise sous tension de leurs services, il est toujours bon de bénéficier d'un regard extérieur. Des experts peuvent les conseiller sur la façon d'optimiser l'allocation des ressources entre services ou les aider à estimer s'il est ou non nécessaire d'ouvrir des lits dans tel ou tel secteur. Nous pouvons également aider les établissements à définir des seuils critiques de prise de décision : quand déclencher une pré-alerte ou une alerte, comment mobiliser des renforts de manière graduée en fonction de l'occupation des lits ou de la pression en clientèle sur les médecins libéraux. Nos réservistes, grâce à leur expérience, peuvent aider à construire les indicateurs qui permettent de prendre les bonnes décisions.

Au-delà des apports dans un domaine précis qui correspond à l'infection à laquelle on est confronté, nous pouvons appuyer les établissements de manière plus générale. Lorsqu'une épidémie dure depuis un moment, les équipes sur place commencent à fatiguer ; nous n'avons pas encore rencontré ce problème dans l'épidémie de Zika, mais on l'a constaté dans d'autres cas. Les soignants peuvent eux-mêmes être touchés par la maladie ou faire face à un surcroît de travail ; les établissements hospitaliers ont alors besoin de renforts non seulement pour affronter la maladie en cause, mais globalement, pour faire fonctionner leurs différents services. C'est notamment à ces aspects que renvoient la prémobilisation et l'anticipation que j'ai évoquées dans mon propos liminaire : un service de gastro-entérologie ou de neurologie d'un hôpital peut, à un moment donné, avoir besoin de soutien pour son fonctionnement quotidien.

Nous pouvons enfin apporter une aide spécifique, liée à l'infection particulière à laquelle on est confronté : pour le Zika, il s'agit de renforts en matière de réanimation. L'épidémie de chikungunya était marquée par un afflux aux urgences, qu'on ne retrouve pas avec le Zika : les symptômes étant mineurs, les gens ne se déplacent pas, ou moins, au service des urgences. Pour le chikungunya, même si finalement nous n'avons pas eu à le faire, nous avions imaginé des préconsultations à l'entrée des hôpitaux pour décharger les urgences des malades atteints de cette maladie. Nous avions même prémobilisé des réservistes retraités pour assurer cet accueil.

Au total, les enseignements que nous tirons des crises passées nous permettent de répondre au mieux aux besoins exprimés aujourd'hui.

Enfin, plusieurs questions ont porté sur la coopération internationale et la place de la nouvelle agence nationale de santé publique qui verra le jour dans quelques semaines. Le modèle français de réserve sanitaire intéresse de plus en plus les instances européennes et mondiales. En 2015, l'OMS a pour la première fois fait appel à nos réservistes pour une mission à la Dominique, à la suite des problèmes climatiques. L'Union européenne réfléchit très sérieusement à la création d'une réserve sanitaire européenne, et le modèle français est souvent cité en exemple du fait de son organisation unique en son genre, qui permet une mobilisation rapide des compétences et coûte relativement peu cher. En effet, la plupart de nos réservistes sont des salariés volontaires ; on fait appel à eux au coup par coup, en cas de besoin. Pendant la mission, ils continuent à être rémunérés par leur employeur que nous remboursons au prorata des jours passés à notre service. En l'absence de crises, il n'y a donc pas de personnel mobilisé en permanence. C'est donc un modèle peu coûteux qui retient l'attention des autorités internationales.

L'intégration au sein de la nouvelle agence sera bénéfique pour l'EPRUS : en tant que petite structure, nous participons peu à la réflexion internationale. Nous n'avons pas les moyens de siéger dans des comités internationaux et nous consacrons exclusivement à l'activité opérationnelle. Être intégrés dans une structure unique avec l'INVS et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) qui siègent dans des organismes européens et mondiaux sera un plus pour le développement des missions de l'EPRUS. Plus globalement, la nouvelle agence aura un spectre de compétences plus large et travaillera en même temps sur la surveillance, la veille, l'alerte, la préparation et la réponse, ce qui lui donnera un poids supplémentaire dans les instances internationales. Nous nous préparons donc à cette fusion avec une grande satisfaction, sûrs que la France met là en place un outil particulièrement pertinent.

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