Intervention de Isabelle Martin

Réunion du 17 janvier 2013 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Isabelle Martin, secrétaire confédérale en charge des politiques industrielles, CFDT :

Cela fait des années que la CFDT considère la compétitivité au sens large comme une question importante. Preuve en est la contribution ne notre organisation au rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) consacré à ce sujet ainsi qu'à l'élaboration d'un document, avec d'autres organisations syndicales et des organisations patronales, sur une « Approche des déterminants de la compétitivité de l'industrie française » publié en juin 2011. Dans le cadre de ces travaux, nous avons dressé un diagnostic approfondi sur l'ensemble des facteurs de compétitivité, « coût » mais surtout « hors coût ».

Le rapport Gallois et le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi y font d'ailleurs largement écho. Le décrochage de compétitivité dont souffre l'économie française est d'abord le résultat d'un retard dans le domaine de l'innovation, d'un positionnement de gamme trop faible, d'une insuffisance de formation et de qualification des salariés, mais aussi de la faiblesse de notre tissu de petites et moyennes entreprises et des relations entre donneurs d'ordre et de sous-traitants. Pour reprendre une formule frappante de Louis Gallois, l'industrie française se trouve depuis plusieurs années « prise en étau entre les pays à valeur ajoutée, comme l'Allemagne, et les pays à bas coûts ». Certes le coût du travail ne doit pas être ignoré, mais il n'est qu'un des éléments à prendre en compte, d'autant qu'il est très variable selon les secteurs professionnels. Autre conclusion très importante pour nous, le rapport Gallois souligne le besoin d'un pacte de confiance et réaffirme que le dialogue social est un facteur de compétitivité : il ne peut pas y avoir de compétitivité économique sans compétitivité sociale, et d'abord au niveau des entreprises. Cela engage particulièrement la responsabilité des partenaires sociaux.

Le choix du crédit d'impôt compétitivité et emploi, le CICE, n'était pas le nôtre, même si nous comprenons la logique qui a présidé à sa création, notamment le souci de ne pas creuser le déficit budgétaire. L'enjeu est désormais de s'assurer que les marges ainsi dégagées iront bien à l'investissement productif et à l'emploi, et non aux dividendes. Nous avons obtenu, dans le cadre des négociations sur la sécurisation de l'emploi, une avancée extrêmement importante de ce point de vue, puisque l'accord prévoit que les instances représentatives du personnel devront être consultées sur l'affectation du crédit d'impôt.

Ce sujet ne doit pas occulter le fait que nous avons besoin de construire collectivement une compétitivité de long terme. Cela suppose une stratégie de croissance et de compétitivité à l'échelle européenne, qu'il s'agisse de la politique industrielle, du soutien aux activités stratégiques, des investissements de croissance ou des enjeux énergétiques. Nous avons également besoin, non seulement d'un « État stratège », mais aussi d'une véritable coopération avec les territoires. Le rapport Gallois souligne qu'une organisation des filières, supposant une vraie culture de coopération entre tous les acteurs – entreprises, banques, territoires – est un enjeu majeur. Elle impose également d'inciter fortement à une solidarité des donneurs d'ordre envers les sous-traitants et de veiller au lien entre services et industrie. Les filières doivent être aussi exemplaires en termes de dialogue social.

Parmi les autres éléments nécessaires à la construction d'une compétitivité de long terme, je citerai l'investissement dans la recherche et l'innovation, le rôle de la commande publique, l'investissement social, en particulier dans la formation et le développement des compétences.

De ce point de vue, l'accord sur la sécurisation de l'emploi est un accord ambitieux, pour reprendre le mot de notre secrétaire général, notamment par la place qu'il fait à l'anticipation et la faculté qu'il donne aux instances représentatives du personnel de peser sur les orientations stratégiques des entreprises.

Tous ces points devraient être développés dans le cadre des comités stratégiques de filière de la Conférence nationale de l'industrie, mais également à l'occasion du débat national sur la transition énergétique, étant donné l'importance du coût de l'énergie pour les entreprises. La réflexion devra également porter sur le rôle des pôles de compétitivité et des investissements d'avenir ainsi que sur celui dévolu à la nouvelle Banque publique d'investissement (BPI). Il ne faut pas non plus oublier la négociation paritaire sur la qualité de vie au travail qui doit s'ouvrir prochainement, et qui est à nos yeux extrêmement importante. En effet, le travail n'est pas seulement un coût : il peut être aussi source de performance, d'innovation et de créativité, à la condition que les représentants des salariés puissent peser sur les choix d'organisation du travail.

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