Intervention de Nasser Mansouri-Guilani

Réunion du 17 janvier 2013 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Nasser Mansouri-Guilani, conseiller confédéral, responsable des questions économiques, CGT :

Permettez-moi d'abord de bien vouloir excuser l'absence M. Mohamed Oussedik qui, souffrant, ne peut être avec moi ce matin comme il était prévu.

La gravité de la situation économique, marquée par la faiblesse de la croissance, le développement du chômage et de la précarité, la baisse continue donc très préoccupante de la production manufacturière et de l'emploi industriel, ne doit pas faire oublier les problèmes structurels de long terme. Il ne faudrait pas non plus que l'analyse des coûts de production, puisque c'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui, se limite au coût du travail.

La réduction des coûts de production, et singulièrement du coût du travail, ne saurait tenir lieu de stratégie de développement économique et social, à moins de mettre en concurrence les salariés, les territoires et les systèmes socio productifs. C'est tout le débat entre la compétitivité « coût » et la compétitivité « hors coût ».

Parmi les coûts de production, on parle très peu de celui du capital, c'est-à-dire des intérêts dus aux créanciers et des revenus de la propriété, notamment les dividendes versés aux actionnaires. Or l'évolution des coûts relatifs révèle une quasi-stabilité de la part des salaires dans la valeur ajoutée depuis les années 1990 après une chute dans les années 1980, alors que celle du capital augmente de façon continue et régulière. Si le manque de compétitivité de nos entreprises est dû au coût des facteurs de production, c'est plutôt le coût du capital que celui du travail qu'il convient d'incriminer.

Un développement économique et social durable suppose une vision de long terme qui rompe avec deux illusions. La première serait de croire qu'il suffit que tout aille bien pour le capital pour que l'économie dans son ensemble se porte bien. On voit bien que le fameux théorème de Schmidt, selon lequel les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après-demain, ne se vérifie pas ! La seconde est celle qui voudrait que nous soyons entrés dans une société postindustrielle, sans usine. Nous pensons au contraire qu'il est nécessaire de développer l'industrie. Cela suppose une véritable politique industrielle, favorisant l'emploi qualifié et la R & D, mais également une politique énergétique cohérente susceptible de préserver l'avantage compétitif que constitue pour notre pays le coût de son énergie, et le développement des filières. Enfin la défense des droits sociaux des travailleurs et des représentants des salariés est également fondamentale. Le projet d'accord sur la sécurisation de l'emploi est loin d'être à la hauteur de ces enjeux.

C'est toute la question d'un « État stratège ». Mais il faut aller plus loin qu'une vision stratégique. Pour notre part, nous ne reculons pas devant le mot de planification stratégique. Nous avons besoin de politiques appropriées, définies en coopération avec les acteurs, et fondées sur la promotion des normes sociales et environnementales. Il faut dans cette perspective en appeler à la responsabilité de l'ensemble des acteurs, dirigeants des entreprises et organisations syndicales.

Trois exemples prouvent a contrario la nécessité de cette responsabilisation de l'ensemble des acteurs. La politique d'exonération sans condition des cotisations sociales, menée depuis une vingtaine d'années, coûte cher. Elle ne donne pas de résultats probants. Le crédit impôt recherche (CIR), qui coûte 5 milliards au budget de l'État, ne profite pas nécessairement à la recherche, et surtout pas assez aux PME. Enfin le CICE s'inscrit toujours dans la problématique de réduction du coût du travail, alors que le vrai problème est ailleurs.

Incontestablement, la valeur externe de l'euro est un vrai problème, même si une part importante des échanges commerciaux de la France se réalise à l'intérieur de l'Europe. Ce dernier point nous impose de réfléchir également à une autre construction européenne, qui ferait du social et du développement durable ses priorités.

Les accords de compétitivité qui seraient signés, notamment chez Renault, et même l'accord de sécurisation de l'emploi sont loin de répondre à ces enjeux. Il serait plus juste de parler de sécurisation de l'employeur, tant il est défavorable aux travailleurs.

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