Depuis une dizaine d'années, les marges de nos entreprises se dégradent inexorablement, au point que la balance commerciale de la France accusait un déficit de 71 milliards d'euros en 2011. Nous sommes entrés dans une spirale infernale, la réduction des marges des entreprises entraînant ipso facto la réduction de l'autofinancement, qui entraîne à son tour la dégradation de la note des entreprises cotées, un enchérissement du coût du capital et de ce fait une diminution de l'investissement.
Pour sortir notre économie de ce « vortex », Il faut absolument réindustrialiser notre pays, car c'est en grande partie l'industrie qui tire les services, et pour cela améliorer notre compétitivité. Reste à déterminer quels sont les facteurs de cette compétitivité.
L'« Approche de la compétitivité française », déjà évoquée, est très éclairant sur ce point en ce qu'elle analyse tous les facteurs, qu'il s'agisse de la compétitivité « coût » ou « hors coût ». Vous ne serez pas étonnés d'apprendre que ce document insiste sur les facteurs de compétitivité « hors coût », tels que la R & D, la qualité du service, le service après-vente ou la dynamisation des exportations. Les facteurs de la compétitivité « coût » jouent, bien évidemment, leur rôle, mais de manière différenciée selon les secteurs d'activité. Si on se limite au secteur industriel, les différences des coûts de production entre les grands pays industriels de l'Union européenne ne sont pas considérables. Le problème de notre industrie automobile est lié à son positionnement en gamme.
Cela étant, nous pensons qu'on n'échappera pas à une réforme du financement de la sécurité sociale. Cela fait déjà une dizaine d'années que nous plaidons pour une cotisation sociale sur la consommation (CSC), afin de desserrer les contraintes qui pèsent sur le coût du travail et d'assurer un financement fléché et pérenne de la sécurité sociale. Un salarié, en situation instable, mal soigné, est moins productif, contribuant ainsi à la dégradation de la compétitivité. De ce point de vue, les PME-PMI sont très désavantagées par rapport aux grandes entreprises, alors qu'elles constituent le premier gisement de croissance et d'emploi.
L'accord sur la sécurisation de l'emploi traduit une approche pragmatique des questions sociales : il ne fait que généraliser ce qui se fait déjà dans bon nombre d'entreprises. Nous insistons notamment sur la nécessité d'associer en amont les salariés aux décisions des conseils d'administration.
Il ne faut pas négliger les raisons d'espérer. La France a des atouts, dans le domaine de l'énergie, en matière d'infrastructures ou dans le domaine de la formation, notamment supérieure. Ce dont nous avons besoin pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, c'est d'une vision de long terme. En effet, les investissements très capitalistiques nécessitent de la stabilité fiscale et législative et une simplification de la réglementation : c'est crucial pour nos PME-PMI, qui n'ont pas les moyens de faire face à l'inflation des normes.
Les pôles de compétitivité sont également à compter au nombre des raisons d'espérer, surtout s'ils deviennent des lieux de formation. Il faut créer plus de passerelles entre les grandes écoles et les universités et développer la formation continue et la formation initiale, notamment la formation en alternance et l'apprentissage, sur le modèle de nos voisins allemands. Ces formations doivent s'inscrire dans une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau des bassins d'emplois, dans la perspective de futures restructurations et redéploiements auxquels nous n'échapperons pas.
Le CICE nous paraît également un point positif, et pas trop compliqué à mettre en oeuvre pour redonner de l'oxygène aux PME-PMI. De même, la création de la BPI va dans le bon sens.
Nous devons par ailleurs exploiter cet autre atout que constitue la forte capacité d'épargne des Français. Il faut notamment favoriser l'épargne longue, les investissements productifs s'inscrivant dans une logique de long terme.
Nos efforts en matière de compétitivité doivent prendre en compte le champ de contrainte au niveau européen, notamment les asymétries fiscales et sociales. Nous devons tout mettre en oeuvre pour assurer la convergence de nos économies. La compétitivité tant vantée du modèle allemand est due à une diminution phénoménale en dix ans du coût du travail en Allemagne, à l'origine d'une augmentation significative du taux de pauvreté dans ce pays, au point que certains envisagent la création d'un salaire minimum.
En France, l'augmentation des salaires est insuffisante, notamment au regard du coût du logement, qui constitue un problème récurrent depuis une dizaine d'années, se traduisant par une dérive effarante des loyers qui réduit d'autant le reste à vivre dans le pouvoir d'achat des ménages. Malheureusement, la dégradation de l'excédent brut d'exploitation des entreprises françaises ne laisse guère espérer une évolution positive sur ce point.