Intervention de Morvan Burel

Réunion du 17 janvier 2013 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Morvan Burel, membre de la commission économique, SUD :

Les termes de ce débat sur la compétitivité nous semblent mal posés. Pour nous la compétitivité n'est pas un objectif politique du monde social : ce n'est qu'un moyen, mis en avant pour satisfaire la mondialisation libérale. Celle-ci est bien un choix politique et social auquel nous sommes totalement opposés parce qu'il est porteur de profonds déséquilibres.

En réalité la question du coût du travail dissimule la remise en cause du financement de la protection sociale, c'est-à-dire de l'égalité entre les citoyens. Le coût du travail est toujours mis en avant pour expliquer notre retard en matière de compétitivité. Or les salariés français sont les plus productifs en Europe. La comparaison avec l'Allemagne, présentée, après l'Irlande, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, comme le nouveau paradis économique européen, est instructive : en un an, un salarié français produit 75 000 euros de richesses, contre 63 000 euros pour un salarié allemand. Par ailleurs, le coût du travail horaire en France demeure plus bas que le coût du travail en Allemagne, puisqu'il est de 40,60 dollars en France, contre 43,80 dollars en Allemagne. Dans l'industrie automobile, un salarié français coûte environ 52 000 dollars par an, un salarié allemand 62 000 dollars.

En réalité le recul de la compétitivité de l'économie de la France s'explique bien davantage par le coût du capital que par celui du travail. En effet, depuis vingt ans, le niveau des dividendes a quadruplé en France, et les très hauts salaires continuent de capter une part toujours plus importante de la masse salariale. En dépit de la crise, la part des dividendes a continué d'augmenter depuis 2008, obligeant même les entreprises à s'endetter pour financer l'investissement.

On ne parle pas non plus du rôle de l'euro dans la dégradation de la compétitivité de la France, alors qu'il est passé de 0,9 dollar en 2000 à 1,6 dollar en 2008. De ce fait, le coût du travail aux États-Unis, qui était en 2000 supérieur de 17 % à ce qu'il était en France, lui était, en 2010, inférieur de 14 %. La comparaison avec les pays émergents nous est encore plus défavorable.

Le « modèle allemand » qu'on nous vante toujours sur cette question de la compétitivité n'est en rien généralisable. Il peut même être à bien des égards considéré comme un des facteurs explicatifs de la crise en Europe. Les mesures prises par le gouvernement Schröder et maintenues par le gouvernement Merkel ont généré de l'austérité, une déflation salariale et un creusement des inégalités. Si la France s'engageait dans cette voie, cela ne pourrait provoquer qu'une atonie générale de la consommation en Europe. Il est impossible que toute l'Europe se mette au diapason de l'Allemagne et produise des berlines de luxe.

Le problème c'est que la France fait partie d'un marché unique européen où marchandises et capitaux circulent librement, mais qui ne fait l'objet d'aucune mesure d'harmonisation dans le domaine social ou du droit du travail. Or, entre la France et les pays d'Europe centrale et orientale, le coût du travail varie de un à trois. Comment dans ces conditions continuer à parler de compétitivité sans exiger la mise en place au niveau européen d'une politique volontariste d'harmonisation des règles sociales et du travail ? Le système économique européen et mondial auquel nous avons souhaité appartenir nous entraîne dans une sorte de puits sans fond. : la France ne sera jamais compétitive. L'alignement permanent sur « le moins-disant social » ne nous paraît rien d'autre qu'une politique suicidaire.

On mesure à cette aune la vanité des dernières mesures prises en la matière, tels que les accords dits de compétitivité assouplissant le marché du travail, les exonérations de charges ou les divers crédits d'impôt, qui peuvent s'analyser comme du dumping fiscal. Ce type de mesures, qu'on nous vend depuis des décennies sans les assortir d'aucune condition, échouent invariablement. Elles ne font qu'aggraver la précarité de l'emploi.

La décision de créer la BPI est la seule décision qui nous semble aller dans le bon sens. Elle n'est malheureusement pas suffisante pour résoudre, à elle seule, les problèmes économiques auxquels nous sommes actuellement confrontés.

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