Intervention de Pascal Pavageau

Réunion du 17 janvier 2013 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Pascal Pavageau, secrétaire confédéral chargé du secteur économique de FO :

Même après lecture de ces annexes, Force ouvrière ne signera pas cet accord et nous vous enverrons un document très complet exposant les raisons de notre refus, liées notamment au risque de dégradation des conditions de travail et des droits des salariés qui ne voudraient pas suivre un accord dit majoritaire dans l'entreprise.

De façon plus générale, nous voulons être prudents dans l'attente du texte législatif qui suivra l'accord qui vient d'être négocié, car nous pensons que de nombreuses dispositions de cet accord ne seront pas reprises, parce qu'elles ne pourront juridiquement ou constitutionnellement pas l'être. Je vous donne rendez-vous, pour le savoir, en mars ou avril.

Le texte de l'accord conduit en outre à ce que le droit s'élabore, dans un esprit quelque peu anglo-saxon, au niveau de l'entreprise. Nous sommes en complète opposition de principe avec cette démarche, car nous restons attachés aux accords interprofessionnels ou de branche au niveau national, ainsi qu'à une égalité de droits et de traitement pour tous les salariés dans l'application du droit du travail – ce qui n'interdit du reste pas que puissent être déjà négociés, dans des cadres nationaux, des accords permettant des adaptations temporaires, comme dans les cas déjà cités de Bosch et de Continental, auxquels on pourrait ajouter celui de Sevelnord. C'est donc la logique même du texte que nous contestons.

Par ailleurs, à en croire ce que nous avons entendu, tout serait compétitivité – ce qui signifie qu'en réalité, rien n'est compétitivité. En revanche, la question de la croissance n'a pas été évoquée, car tous les mécanismes de contrats aidés – qu'il s'agisse des emplois d'avenir ou des contrats de génération – ou le texte qui traduira une partie de l'accord ne sauraient régler le problème du manque d'activité, qui se traduit par la mise au chômage et l'impossibilité de la création d'emplois. Nous attendons de la puissance publique – État, Parlement et collectivités locales – une politique d'intervention plus ambitieuse, permettant de renforcer les filières. En Isère, l'exemple de Photowatt est typique d'une absence de politique publique industrielle pérenne, avec des allers-et-retours fiscaux qui ont déstabilisé l'entreprise. Cet exemple montre aussi que s'il existait dans le domaine des panneaux photovoltaïques une coopération européenne du type de celle qui a donné naissance à EADS, et que les dérives ultralibérales de l'Europe rendent aujourd'hui impossible, une capacité de production européenne réelle pourrait être au service d'une politique publique que partagent les Vingt-Sept sur les plans environnemental et énergétique. Il faut donc aller vers plus de coopération et vers une véritable politique européenne et, face au dumping social, revoir la directive européenne relative au détachement de travailleurs. L'intervention publique n'est pas un gros mot, mais elle doit correspondre à une stratégie.

Le deuxième point indispensable pour renouer avec la croissance consiste à donner les moyens de la consommation. Nous continuons donc à plaider pour l'augmentation des salaires. Nous ne sommes pas favorables à la démarche consistant à rompre avec le caractère national et interprofessionnel du SMIC pour mettre en place des SMIC de branche ou territoriaux. Notre revendication est de porter le SMIC à 80 % du salaire médian – je pourrai vous envoyer des documents présentant tous les éléments que nous pouvons faire valoir en ce sens.

Le CICE relève de la même problématique que l'aide publique en général, y compris dans le cadre de la BPI. Il n'est pas normal que les parlementaires ou les ministres ne puissent pas expliquer pourquoi le Fonds stratégique d'investissement (FSI) est entré au capital de telle entreprise plutôt qu'à celui de telle autre. Aujourd'hui, l'intervention dans des entreprises au moyen d'argent public n'est pas liée à une stratégie ou une orientation nationale. Il serait pourtant naturel que, dès lors que de l'argent public entre au capital d'une entreprise ou l'aide par quelque biais que ce soit, on puisse rendre compte de sa cohérence avec un cadre de politique publique. Or, la banque Oséo se comporte comme une banque privée et peut même refuser de donner à un préfet la liste des entreprises qu'elle aide dans son département. Ce n'est pas normal. Le crédit d'impôt, les concours de la BPI et les aides publiques doivent être assorties de conditions de façon à pouvoir vérifier en amont que ces actions s'inscrivent dans un cadre national, au même titre qu'une aide ou subvention attribuée par une collectivité implique un vote indiquant le sens de cette mesure. Nous serons très attentifs à cet aspect lors de la mise en oeuvre de la BPI ou du CICE.

Nous ne sommes cependant pas favorables à toute logique de cogestion ou de co-orientation du choix : il n'est pas du rôle des élus représentants des salariés d'indiquer la destination ou les conditions d'attribution de l'argent public. Ils ont en revanche un rôle de garde-fou à jouer pour veiller à ce que soient précisés les motifs et le cadre de l'investissement et pour s'assurer que ce dernier ne serve pas à payer le déménageur qui délocalisera les activités de l'entreprise vers l'Europe de l'Est.

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