Intervention de Morvan Burel

Réunion du 17 janvier 2013 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Morvan Burel, membre de la commission économique, SUD :

Ayant la chance de travailler à la direction générale des douanes et d'avoir quelques connaissances sur le sujet, je commencerai par dire quelques mots de la réciprocité des accords de libre-échange – qui est au coeur de notre débat. Ces accords, qui ont totalement ouvert la concurrence entre les salariés à l'échelle mondiale pour le plus grand bénéfice des firmes transnationales, n'ont jamais fait l'objet ni d'une évaluation, ni d'une consultation démocratique, alors même que la question de leur efficacité peut être posée.

Prenons l'exemple du secteur automobile dont il est beaucoup question dans ce débat sur les coûts et la compétitivité. L'accord signé en 2010 avec la Corée du sud s'est traduit par des conséquences mesurables quant à la pénétration du marché européen, mais il reste impossible aux automobiles européennes de pénétrer le marché coréen. Il n'a pourtant pas été évalué. Le pouvoir politique en a eu l'ambition, mais celle-ci est restée lettre morte. Et on parle même de signer des accords équivalents, notamment avec le Japon. Il est tout de même préoccupant que la politique de libre-échange, dont découle pour une bonne part notre exigence de compétitivité, ne soit jamais étudiée.

M. Furst s'interroge sur le déficit de compétitivité dont souffre la France à l'intérieur même de l'Union européenne. Cela rejoint un autre phénomène étonnant : dans l'Union européenne à 27, les disparités en matière sociale, fiscale, de réglementation du travail ou de contraintes environnementales sont considérables. Pourtant, pour harmoniser les normes vers le haut, personne ne fait preuve d'un vrai volontarisme – la France non plus. Par exemple, l'Estonie pratique un taux d'imposition sur les sociétés de 0 %. Dans ces conditions, à quoi rime de comparer le déficit commercial français avec celui de l'Estonie ? La volonté de faire de l'Union européenne autre chose qu'une machine à tirer les conditions sociales vers le bas fait gravement défaut. La France elle-même ne tente guère de peser sur ce débat pour que l'Union européenne porte enfin un projet politique de progrès social plus consistant.

Quant au CICE, il aura pour effet immédiat de provoquer des baisses de ressources pour l'État et pour les organismes de sécurité sociale. Ainsi, à l'heure où nos finances publiques traversent une crise grave, la part des entreprises dans le financement de la protection sociale et leur contribution au budget de l'État sont encore appelées à baisser. De deux choses l'une : ou bien les déficits continueront à se creuser, ce qui est contraire à l'objectif du Gouvernement, ou bien il faudra procéder à un nouveau transfert de charges sur les ménages, qui pèsera lourdement sur la consommation. Nous risquons ainsi de nous retrouver dans une économie anémiée. Or la politique du « tout export » à l'allemande, tant vantée de ce côté-ci du Rhin, n'est pas généralisable : tout le monde ne peut pas fabriquer des biens de luxe à destination de marchés qui finiront par trouver leurs limites. Du reste, on voit mal qui pourrait acheter les biens en surproduction si les consommateurs restent sous-payés ! Bref, nous sommes dans une impasse : il ne sert à rien de s'interroger sur les moyens de la compétitivité si l'on n'a pas posé au préalable la question du modèle social dans lequel nous voulons vivre. Comme l'a dit ma camarade, cela fait trente ans que l'on nous martèle qu'il faut flexibiliser et privatiser, et cela fait trente ans que le chômage augmente.

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