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Intervention de Emmanuel Mermet

Réunion du 17 janvier 2013 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Emmanuel Mermet, secrétaire confédéral, économiste, CFDT :

La Confédération européenne des syndicats a insisté à plusieurs reprises sur les risques que les politiques d'austérité faisaient peser sur la croissance et sur l'emploi. Elle a proposé un contrat social en faveur de la solidarité et de la coopération en Europe, qui porte notamment sur le soutien et la promotion du dialogue social européen. Les nouvelles ne sont guère bonnes de ce côté, puisqu'aucun accord sur la révision de la directive sur le temps de travail n'a été obtenu. Le dialogue social européen est donc un peu en berne. Il faut le dire, il n'est guère soutenu par les institutions européennes – nous en payons les conséquences. Cela n'empêche pas les organisations syndicales françaises de rencontrer régulièrement la Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB), la grande organisation syndicale allemande – qui s'alarme aujourd'hui de la situation du modèle allemand. Si les données économiques sont satisfaisantes, ce n'est pas le cas des données sociales : le taux de pauvreté progresse, le taux d'activité des femmes est problématique, le nombre des « mini jobs » – emplois à taux de salaire très bas – augmente de manière inquiétante, notamment dans les services.

Par ailleurs, il est temps d'engager la lutte contre le dumping fiscal en Europe. L'harmonisation sociale et environnementale – dont vous avez beaucoup parlé – est sans aucun doute nécessaire. Nous voulons cependant souligner que l'optimisation fiscale bat aujourd'hui son plein en Europe. On parle souvent des paradis fiscaux extracommunautaires, mais il existe aussi des formes de paradis réglementaires et fiscaux intracommunautaires. Je m'étonne ainsi – à titre personnel – que des entreprises à capitaux publics comme EADS ou Renault-Nissan soient des sociétés de droit néerlandais – et non de droit français – soumises à la procédure fiscale applicable aux holdings néerlandaises.

J'en viens aux règles de réciprocité. Pour la CFDT, ces règles doivent se fonder sur la nécessité de soutenir un développement équilibré entre les différentes parties du monde. Il ne s'agit pas de priver les zones émergentes de développement, mais de faire en sorte que les normes internationales soient prises en compte dans les accords internationaux de libre-échange. Je pense notamment au respect des normes de l'Organisation internationale du travail (OIT), au développement des socles de protection sociale et au respect du Protocole de Kyoto et de ses successeurs.

Ainsi que cela a été souligné, le taux de change de l'euro est aujourd'hui très élevé : au cours des dix dernières années, nous sommes passés de 1 à 1,6 dollar pour un euro. C'est d'autant plus problématique que les traités européens confient aux chefs d'État et de gouvernement la responsabilité de la politique de parité de l'euro. Or nombre d'économistes s'attendent à une guerre monétaire en 2013, les États-Unis cherchant à déprécier le dollar avec une création excessive de monnaie. Le Japon vient de s'engager à défendre une parité stable, voire à la baisse. Le yuan chinois, arrimé au dollar, ne pourra lui aussi que perdre de sa valeur par rapport à l'euro. Les chefs d'État et de gouvernement de l'Euroland doivent demander à la BCE d'intervenir sur les marchés pour stabiliser l'euro. Il a pris 3 % depuis le début de l'année. En supposant que le CICE entraîne une baisse d'environ 2% de nos coûts de production, elle serait annulée à l'international par la surévaluation de l'euro.

Par ailleurs, la CFDT est ouverte à la réflexion sur un nouveau financement de la protection sociale. Selon nous, il faut privilégier la piste de l'utilisation de la CSG, qui présente l'avantage d'être entièrement fléchée vers le financement de la protection sociale – on évite ainsi tout risque de dérive – et d'être bien connue des entreprises et de la plupart de nos concitoyens. Dans l'hypothèse d'un basculement des dernières cotisations sociales qui financent des services dits universels tels que l'assurance maladie ou la politique familiale, il nous semble préférable d'aller vers la CSG plutôt que vers un outil fondé sur la contribution « climat-énergie » – dont l'objet est de servir à la transition énergétique, et non d'alléger le coût du travail ou les coûts de production. De même, nous sommes plutôt défavorables à un basculement sur la TVA, qui entraînerait une hausse des prix et aurait un effet régressif – c'est-à-dire pèserait davantage sur les faibles revenus que sur les hauts revenus.

Je terminerai par le SMIC. La CFDT insiste régulièrement pour que les allègements de cotisations sociales soient soumis à une forme de conditionnalité. Sous le précédent gouvernement, il avait été envisagé de soumettre le bénéfice des allègements de cotisations sociales à la condition que les minima de branche soient supérieurs au SMIC. Dans le cas inverse et en l'absence de correction via une négociation de branche, l'avantage aurait pu être remis en question l'année suivante. Cette mesure n'a pas été mise en oeuvre, et nous le regrettons : elle aurait pu être un outil de promotion du dialogue social et de la négociation salariale au niveau des branches et de l'entreprise, qui serve à sortir de la discussion sans fin sur le tassement des bas de grille salariale lié à l'augmentation du SMIC. Le SMIC ne doit pas être l'alpha et l'oméga dans le débat sur le pouvoir d'achat en France – Il n'est perçu que par 10 % seulement des salariés. Il reste que les autres salaires peuvent être impactés par ses réévaluations. Il faut donc mettre en oeuvre une stratégie plus large du pouvoir d'achat, qui passe par une dynamisation de la NAO sur les salaires – à laquelle la conditionnalité des allègements de cotisations peut contribuer – et par d'autres mesures que nous avons défendues dans le cadre des discussions des dernières semaines.

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