Intervention de Yves Goasdoue

Séance en hémicycle du 16 février 2016 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun comprend que la décision qui nous incombe est tout sauf anodine et qu’elle mérite, évidemment, un examen approfondi. Le Sénat, chacun le sait, s’est prononcé favorablement, à une large majorité.

Seule la persistance d’un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public peut justifier cette prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 26 mai 2016. Cette condition est-elle malheureusement remplie ?

Le Gouvernement le pense ; le Conseil d’État le confirme ; le groupe SRC le constate.

Monsieur le ministre, vous avez longuement exposé les raisons qui vous conduisent à présenter ce projet de loi. On ne note aucune perte d’intensité ni dans la menace ni dans la réalité que représente le nombre important de Français sur les théâtres d’opération irako-syriens. Ces Français, d’une certaine manière, ne demandent qu’à rentrer en France pour y perpétrer des actions d’une extrême violence. Partout dans le monde, la liste des attentats visant des Occidentaux et, plus précisément, des Français, s’allonge. Alors que la propagande sur internet atteint de plus en plus d’individus isolés, le groupe État islamique et les entités qui lui font allégeance menacent quotidiennement notre pays et nos ressortissants. Tout cela est patent. Le nier serait irresponsable. Personne sur ces bancs n’a d’ailleurs tenu de tels propos.

Le Conseil d’État a eu l’occasion de le confirmer à deux reprises : le 27 janvier 2016, lorsqu’il était saisi d’une demande tendant à suspendre l’état d’urgence et, plus récemment, dans son avis du 2 février sur le projet de loi que nous examinons.

Avant de nous prononcer, il faut être certain que la poursuite de l’état d’urgence opère bien une conciliation non déséquilibrée entre la sauvegarde des droits et libertés, d’une part, et la protection de l’ordre et de la sécurité publique, d’autre part.

S’agissant des droits et libertés, premier terme de cet équilibre, le Conseil constitutionnel répond de manière claire. Il constate que le juge de l’excès de pouvoir s’assure que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sont « adaptées, nécessaires et proportionnelles » à leur finalité. Il constate par ailleurs que le référé liberté permet, dans des délais brefs, un débat oral et contradictoire devant un juge qui dispose de larges pouvoirs de suspension et d’injonction envers l’administration. C’est donc un recours réel. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, les annulations sont rares, mais leur existence même démontre la possibilité d’en obtenir. La loi du 20 novembre dernier a clairement affirmé le rôle de contrôle du juge administratif.

J’ajoute que la juridiction judiciaire répressive, qui a été au centre de nombreux débats, n’est pas pour autant dessaisie puisque l’article 111-5 du code pénal lui permet d’apprécier directement la légalité des actes administratifs et réglementaires, dès lors qu’ils ont conduit à constater des infractions pénales. C’est en particulier le cas en matière de perquisitions, un sujet qui interroge et passionne.

La prorogation est-elle de nature à protéger l’ordre et la sécurité publique, second terme de notre équilibre républicain ? Les résultats qui nous ont été communiqués, ainsi que les travaux conduits dans le cadre du contrôle parlementaire ne laissent aucun doute. On cite beaucoup Jean-Jacques Urvoas, ce qui est bien, et, dans la bouche de certains, sans doute mieux que de citer Jacques Toubon…

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