Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 13 novembre dernier, la France a subi l’attaque terroriste la plus meurtrière de son histoire : 130 personnes ont perdu la vie, et plusieurs centaines de nos concitoyens ainsi que des touristes étrangers ont été grièvement blessés. Dans ce contexte, le Président de la République et le Premier ministre ont pris la décision de décréter l’état d’urgence. Ce dispositif exceptionnel répond à une situation exceptionnelle : il a pour objectif de doter les services de l’État des moyens les plus larges pour prévenir la commission de nouveaux actes terroristes, dans le respect de l’État de droit.
Le 19 novembre dernier, les députés de notre assemblée ont ainsi adopté, à la quasi-unanimité, la prorogation de l’état d’urgence pour une durée de trois mois. Au sein de mon groupe parlementaire, quinze députés sur dix-huit s’étaient d’ailleurs déclarés favorables à cette mesure.
Trois mois plus tard, la menace terroriste n’a jamais été aussi élevée. Depuis le début de l’année 2016, pas moins de quarante interpellations ont visé des individus qui s’apprêtaient à commettre des actes terroristes ou à entrer en contact avec des filières terroristes internationales. Depuis 2013, onze attentats ont été déjoués sur notre territoire. Face à la persistance de cette menace, et dans l’attente de l’adoption de la réforme pénale visant à mieux lutter contre le terrorisme, il nous est proposé de prolonger l’état d’urgence de trois mois supplémentaires.
En commission des lois, monsieur le ministre, vous avez dressé un bilan extrêmement précis et rigoureux de l’action menée par les services de l’État dans le cadre de l’état d’urgence. Depuis le 13 novembre, 3 340 perquisitions administratives ont été conduites. Elles ont permis la saisie de près de 600 armes et d’un million d’euros en espèces, et ont donné lieu à 395 interpellations et 344 placements en garde à vue. Ces chiffres mettent en évidence les connexions qui existent entre la petite délinquance, la grande délinquance, le trafic d’armes et le terrorisme. Par ailleurs, vingt-neuf procédures ont été ouvertes pour des faits relevant du terrorisme, dont vingt-trois pour apologie du terrorisme. Mais il faudra attendre que l’ensemble des éléments saisis dans le cadre des perquisitions administratives soient exploités avant de pouvoir déterminer le nombre exact de personnes mises en cause pour des infractions terroristes dans le cadre de l’état d’urgence.
Par ailleurs, comme je l’ai souligné en commission, les préfets ont pu répondre, dans chaque département, aux demandes de nos collègues députés et sénateurs. Ils ont précisé que, dans un certain nombre de cas, des perquisitions avaient pu être menées pour lever des soupçons : lorsque ces derniers étaient infondés, cela n’a évidemment pas donné lieu à l’ouverture d’une procédure.
Enfin, le bilan des trois premiers mois de l’état d’urgence a permis de démontrer l’efficacité des dispositifs de contrôle et d’encadrement. Je pense notamment à l’interdiction de procéder à des perquisitions administratives dans des lieux affectés, par exemple, à l’activité des avocats. De même, lors de la réforme de la loi de 1955, nous avons évidemment écarté le contrôle de la presse. Nous avons ajouté dans la loi l’information du procureur avant et après les perquisitions, le contrôle du juge administratif, ainsi que le contrôle parlementaire : toutes ces mesures ont été scrupuleusement mises en oeuvre.
À cet égard, alors que de nombreuses voix annonçaient l’avènement d’un « État liberticide » – une expression utilisée lors de certains procès –, seules deux annulations ont été prononcées, sur une centaine de recours engagés. Ces procédures ont d’ailleurs montré que de nombreux recours étaient possibles : nous sommes bien loin des procès d’intention, des procès en autoritarisme et en arbitraire malheureusement trop souvent intentés.
Plus généralement, je veux redire mon étonnement devant le climat de suspicion que certains entretiennent, notamment dans les médias, à l’égard des forces de police et des autorités judiciaires.