Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je m’exprime ici en tant que rapporteur, au nom de la commission des lois, de la mission de contrôle sur l’application de l’état d’urgence et en mon nom personnel.
Il ne vous étonnera pas que je demeure fidèle aux conclusions que Jean-Jacques Urvoas, qui n’était pas encore garde des sceaux, mais président de la commission des lois et co-rapporteur de la mission, et moi-même avions présentées au mois de janvier dernier devant notre commission des lois. Après avoir suivi pendant quelques semaines l’application de l’état d’urgence et de ses premières mesures, ce rapport concluait qu’il n’y avait pas d’utilité expresse à le prolonger.
Malheureusement, monsieur le ministre, heureusement pour le garde des sceaux, malheureusement pour notre travail de contrôle parlementaire – en tout cas, pour le moment –, nous n’avons pas pu bénéficier de la finalisation de ce rapport alors que l’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie du projet de loi visant à proroger l’état d’urgence. Le calendrier politique s’impose, au moins pour partie, à l’Assemblée nationale, c’est ainsi.
Pour autant, au regard de ce que je sais car j’ai continué à me pencher sur la mise en oeuvre de l’état d’urgence, je ne pense pas que des événements ou des faits supplémentaires qui auraient été collationnés depuis lors m’auraient fait changer d’avis. Je reste persuadé comme nous l’avons dit devant la commission des lois il y a quelques semaines qu’il était en effet nécessaire d’instaurer l’état d’urgence. Nous en avons parlé à de multiples reprises, monsieur le ministre, aussi bien à l’Assemblée nationale que place Beauvau dans votre ministère, et à Matignon.
Je reste persuadé qu’aucune dérive ni aucune atteinte au respect des droits fondamentaux n’ont été constatées depuis la mise en place de ces mesures. Je reste persuadé que la vigilance que vous-même, monsieur le ministre, avez préconisée, à l’égard de l’ensemble des services engagés dans ces opérations a permis de contenir les débordements que l’on aurait pu craindre dans de telles circonstances. Bref, je vois bien l’efficacité de ces mesures, leur nécessité. Il fallait instaurer l’état d’urgence. Il fallait décider de le proroger pour trois mois jusqu’au 26 février : cela ne fait pour moi aucun doute.
Mais au vu de l’évolution des décisions prises dans le cadre de cet état d’urgence et à l’aide des outils de droit, de leur concentration très importante sur les premières semaines, et quand on entend les forces de l’ordre expliquer que les réseaux sont désorganisés, les malfrats s’étant par ailleurs protégés d’un certain nombre d’avanies, il est clair que ces dispositifs perdent au fil du temps en percussion et, d’une certaine façon, en efficacité.
Cela ne signifie pas que la lutte ne doit pas se poursuivre avec la même intensité, mais que les dispositifs spécifiques de l’état d’urgence sont moins efficaces maintenant qu’ils ne l’étaient dans les tout premiers jours de son instauration.
Je m’interroge donc sur la nécessité de prolonger cet état dont vous avez tenté, cher collègue Fourage, de dire qu’il n’était pas un état d’exception, mais de règle exceptionnelle – j’ai admiré la pirouette…