Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ces derniers mois, c’est à des questions graves que nous avons été amenés à répondre.
Les réponses que le pays et nos concitoyens attendent de nous sont à la mesure du choc que nous avons subi, des drames que nous avons connus et des défis qui nous sont posés. Elles doivent permettre de donner à la puissance publique, à travers le Gouvernement, les moyens d’action qui lui sont nécessaires pour endiguer la menace terroriste.
Elles doivent aussi nous permettre de ne rien concéder aux terroristes qui ne cherchent, à travers leurs actions, qu’à faire en sorte que la France remette en cause les valeurs qui sont les siennes, qui sont les nôtres, et qu’ils abhorrent parce qu’elles sont universelles, généreuses et démocratiques, alors qu’ils veulent voir germer des graines de haine pour nous diviser.
Répondre à la question de savoir s’il faut, oui ou non, proroger l’état d’urgence tel que nous l’avons réformé avec la loi du 20 novembre, c’est répondre à cette double injonction : combattre et vaincre tout en restant nous-mêmes, tout en faisant en sorte que la France reste fidèle aux valeurs qui l’ont faite. Tel est l’état d’esprit dans lequel nous sommes tous, sur les différents bancs de cette assemblée. C’est aussi, monsieur le ministre, votre état d’esprit, comme vous nous l’avez exposé lors de votre audition par la commission des lois la semaine dernière.
Nous nous prononçons, il faut le dire, sur la base de renseignements et sur la foi d’informations essentiellement fournis par le Gouvernement – c’est normal. Toutefois, et c’est nouveau, grâce au nouveau cadre de l’état d’urgence et à la pleine utilisation des outils fournis par notre règlement, le contrôle parlementaire permet fort heureusement de contrôler et de compléter les informations les plus sensibles.
L’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, les décisions de la justice administrative intervenues depuis le début de l’état d’urgence ainsi que la presse, bien sûr, viennent compléter le tableau de cette information disponible pour les parlementaires.
C’est en fonction de cet ensemble de données que nous nous déterminons pour juger de la pertinence de l’état d’urgence par rapport à la menace actuelle. Comme plusieurs de mes collègues, je tire de l’ensemble de ces données les enseignements suivants.
Tout d’abord, les mesures prises depuis novembre ont été et demeurent nécessaires. La menace terroriste reste haute, comme nous l’ont prouvé les événements survenus à la fin de l’année 2015, ainsi que le nombre important de perquisitions avec interpellations et saisies d’armes, de même que le nombre d’assignations à résidence.
Les chiffres ont été rappelés, je n’y reviens pas, tout en soulignant que, comme nous l’a rappelé M. le ministre lors de son audition, contrairement à ce qui a été rapporté trop souvent, les suites judiciaires données aux mesures administratives ont été importantes et le seront encore.
L’état d’urgence a donc prouvé son utilité. La question est de savoir si celle-ci est toujours d’actualité. Comme l’a rappelé le rapporteur Pascal Popelin, que je tiens à saluer pour le travail qu’il a mené, c’est sur la notion de péril imminent qu’il nous faut juger. Comme le rapport le détaille parfaitement et comme le Conseil d’État l’a indiqué dans son avis sur le présent projet de loi, le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public demeure malheureusement très actuel. Le projet de loi m’apparaît donc fondé sur ce point.
Ensuite, je veux souligner que le cadre juridique dans lequel l’état d’urgence s’exerce actuellement permet de garantir le respect des libertés. L’effectivité du contrôle du juge administratif, constatée ces dernières semaines, est venue démentir les craintes qui s’étaient exprimées à l’occasion de nos travaux sur le premier projet de loi de prorogation. L’état d’urgence n’est pas synonyme d’arbitraire et, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il est un élément de l’État de droit.
Il nous restera, à l’occasion de l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, dont nous commençons l’examen demain en commission des lois, à nous assurer que nous restons dans le même esprit, hors état d’urgence.
À ce stade, je nourris encore quelques réserves sur un certain nombre de dispositions qui sont proposées, mais je suis sûre que les débats parlementaires devraient nous permettre d’avancer sur ces sujets.
Le dernier enseignement que je tire, c’est que nous devons préparer dès maintenant la sortie du cadre exceptionnel qu’est l’état d’urgence. Ainsi que vous l’avez rappelé devant notre commission, monsieur le ministre, par principe, l’état d’urgence n’a pas vocation à durer plus longtemps qu’il n’est nécessaire. Sa légitimité réside précisément dans ce caractère provisoire, déterminé par la persistance du péril imminent qui a justifié sa déclaration.
J’ai indiqué tout à l’heure que je partage l’analyse selon laquelle cette notion est toujours d’actualité. J’entends aussi qu’il nous faut, avant que nous ne sortions de l’état d’urgence, aménager le cadre juridique de droit commun pour qu’il soit en adéquation avec le niveau de menace actuel. C’est l’objet de notre travail de demain en commission.
Mais, puisqu’il est dans la nature même de l’état d’urgence d’être temporaire, il me paraît légitime et sain de prévoir dès maintenant les conditions et les étapes de sortie de ce régime qui n’a pas vocation à durer au-delà du nécessaire et du raisonnable.
Ce travail préparatoire et d’anticipation est d’autant plus fondé que plusieurs voix importantes se sont élevées, ces dernières semaines, pour souligner que, si nous ne sommes pas encore parvenus au terme de l’état d’urgence du point de vue de son utilité, cette échéance se rapproche et que l’essentiel de ce qu’il permet de faire a été mis en oeuvre.
Je pense particulièrement à la dernière communication présentée devant la commission des lois sur le contrôle parlementaire de l’état d’urgence, lors de laquelle plusieurs éléments de nature à conforter cette idée ont été présentés.
Les prochains travaux du contrôle parlementaire doivent nous permettre de préparer le retour souhaitable et souhaité au fonctionnement ordinaire de nos institutions. Il est essentiel que le contrôle parlementaire se poursuive avec une vigueur constante. Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai en faveur du projet de loi et j’appelle mes collègues à faire de même.