Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 16 février 2016 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Je souhaite remercier l’ensemble des orateurs pour leurs interventions et leur dire à quel point celles-ci, toutes sensibilités confondues, ont contribué à l’enrichissement du débat. Sans revenir sur des sujets que nous avons déjà abondamment traités, je voudrais revenir sur trois questions qui ont été posées à l’occasion de notre débat.

Tout d’abord, la dernière, qui vient d’être évoquée par M. Ciotti : pourquoi l’état d’urgence n’a-t-il pas été mis en place dès le mois de janvier 2015 ? Pour une raison très simple : l’état d’urgence ne peut être mis en place que dès lors que les conditions de droit pour le déclencher sont réunies.

Or, en janvier 2015, les conditions de droit pour déclencher l’état d’urgence n’étaient pas réunies. En effet, immédiatement après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, l’ensemble de ceux qui avaient commis ces attentats avaient été neutralisés par les forces de l’ordre, ce qui n’était pas du tout le cas lors des attentats du 13 novembre.

Aujourd’hui encore, l’artificier, le coordonnateur, Salah Abdelslam n’ont pas été récupérés par les forces de l’ordre, et ils ne l’étaient pas au moment où nous avons déclenché l’état d’urgence. C’est parce qu’ils ne l’étaient pas et que le péril était imminent que nous avons décidé alors de déclencher l’état d’urgence, et c’est parce que ce péril demeure que nous le prorogeons.

L’état d’urgence, ce n’est pas un dispositif que nous mettons en place pour des raisons de confort politique ; c’est un dispositif qu’on met en oeuvre dès lors que les conditions de droit sont réunies pour le faire.

D’ailleurs, monsieur Ciotti, trouvez-moi un orateur de l’opposition qui l’ait demandé à l’époque. J’ai bien cherché : en janvier 2015, pas un responsable de l’opposition n’a demandé qu’on déclenchât l’état d’urgence, pas un ! pour la bonne et simple raison que les conditions de droit n’étaient alors pas réunies pour cela.

Deuxième point : vous avez dit, madame Besse, que les forces de l’ordre étaient formidables mais qu’elles manquaient de moyens. Je ne veux pas revenir sur des sujets que nous avons déjà traités à plusieurs reprises ici mais peut-être n’avez vous pas été informée que sous la mandature précédente, les services de renseignement ont vécu une réforme extrêmement difficile qui a mis complètement sur le flanc notre organisation territoriale. Sans doute n’avez-vous pas été informée qu’entre 2007 et 2012, les effectifs des forces de sécurité intérieure ont perdu 13 000 emplois. Sans doute n’avez-vous pas été informée que pendant la même période, les crédits hors titre 2 dont bénéficiaient les forces de sécurité ont diminué de 17 % et sans doute n’avez-vous pas été informée que dans le courant de ce quinquennat, ce sont 9 000 emplois qui auront été créés au bénéfice des forces de sécurité intérieure, dont 1 500 décidés dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste de janvier dernier, qui a d’ores et déjà permis de programmer la création de 500 emplois dans le renseignement territorial et 500 dans le renseignement intérieur, s’ajoutant aux 432 déjà programmés avant ce plan, 126 au sein de la direction centrale de la police judiciaire pour lutter contre la délinquance terroriste sur internet. Et nous avons encore rehaussé cela à travers l’annonce faite par le Président de la République devant le Congrès de créer 5 000 emplois supplémentaires.

Je comprends que vous, qui avez soutenu une majorité qui a détruit 13 000 emplois, vous considériez qu’en créer 9 000, ce n’est pas suffisant. Je souhaite vraiment que sur ces sujets on puisse de temps en temps, ne serait-ce que pour la qualité de notre débat, convoquer la bonne foi et essayer de dire les choses telles qu’elles sont sans être systématiquement dans des postures politiques.

Enfin, monsieur Chrétien, si nous n’inscrivons pas directement dans la loi une disposition qui permettrait aux services de police de récupérer à l’occasion des perquisitions administratives des éléments contenus dans les ordinateurs, c’est tout simplement parce que ce n’est pas constitutionnel. Un tel dispositif porterait atteinte aux principes énoncés dans l’article 66 de la Constitution, au terme desquels ce type de perquisitions, qui conduisent à des saisies, ne peut avoir lieu que sous le contrôle du juge judiciaire. Sans modification de la Constitution, ce ne sera pas possible. Et si nous révisons la Constitution pour y inscrire l’état d’urgence et proposons dans la loi d’application qui suivra d’introduire cette possibilité, c’est parce que nous ne pouvons pas le faire en l’état du droit constitutionnel.

Nous sommes dans une approche rigoureuse en droit et je voulais apporter ces éléments de réponse précis à ceux qui ont interrogé le Gouvernement.

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