Monsieur le ministre, j’avais voté la première prorogation de l’état d’urgence et je ne m’en repens nullement. Je ne considère pas que l’état d’urgence mette l’État de droit entre parenthèses. J’ai la plus haute considération pour le juge administratif et je loue le dévouement des services de sécurité. Pour autant je ne voterai pas le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui.
La menace est en effet permanente, chronique, comme l’a très bien expliqué M. Sebaoun. Elle va sans doute durer plusieurs années. Les arguments aujourd’hui donnés pour justifier la reconduction de l’état d’urgence vaudront encore dans trois mois. À l’appui de mon raisonnement, je citerai simplement les propos du président Urvoas dans le rapport qu’il faisait le 13 janvier dernier devant la commission des lois – qu’il présidait encore : « L’arrêt de l’état d’urgence ne sera pas synonyme d’une moindre protection des Français. L’essentiel de l’intérêt qu’il y avait à prendre des mesures dérogatoires me semble à présent derrière nous. Partout où nous nous sommes déplacés, nous avons entendu que les principales cibles et les principaux objectifs avaient été traités et qu’en tout état de cause, l’effet de surprise était largement estompé et que les personnes concernées étaient désormais pleinement préparées à une éventuelle perquisition. Cette extinction progressive de l’intérêt des mesures de police administrative se lit d’ailleurs dans les chiffres mêmes qui montrent bien plus qu’un essoufflement. » Le doyen Hauriou écrivait en 1929 : « Les mesures administratives constituent un droit de seconde qualité et devront disparaître à l’expiration de l’état d’urgence. », et concluait : « Réagir efficacement à un attentat terroriste en donnant à l’État des moyens proportionnés à l’ampleur de la menace imminente était une chose, cela a été fait et bien fait. Combattre le terrorisme en profondeur en sera une autre. » »