Intervention de Véronique Descacq

Réunion du 4 février 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT :

Il faudrait que je vérifie, mais je ne pense pas que quoi ce soit, dans les statuts, l'interdise. Encore une fois, ce qui compte pour nous, c'est l'existence d'une relation de dépendance, qu'elle soit juridique ou économique. En outre, dans la pratique, nous commençons par accueillir les gens qui veulent nous rejoindre, avant de leur demander quels sont leurs problèmes ou ce qui a motivé leur adhésion. Il n'y a pas de « barrière à l'entrée » de la CFDT – pour reprendre l'expression de Bercy qui souhaite lever les barrières …

Y a-t-il des travaux en cours dans le cadre du dialogue social interprofessionnel ? Non, il n'y en a pas, ne serait-ce que parce qu'un certain nombre d'organisations syndicales ne considèrent pas devoir représenter ces travailleurs. Les chambres patronales sont dubitatives. J'observe que c'est aussi le cas du Gouvernement qui n'aborde la question du CPA des travailleurs indépendants qu'avec l'Union nationale des professions libérales (UNAPL). Comme s'il fallait replacer des frontières…

Certes, on en parle dans le cadre du dialogue social interprofessionnel à l'occasion des négociations en cours sur le CPA, mais uniquement pour réaffirmer le caractère universel de ce compte – on essaie de proposer une définition de ce que devrait être l'universalité. À ce stade, c'est tout.

Que devrait-on faire ?

Nous sommes confrontés à une difficulté : il y a la négociation interprofessionnelle et la concertation préalable à ce qui devra être dans la loi, et donc un processus trop « saucissonné ». La négociation interprofessionnelle est censée aboutir au texte sur la définition du CPA, définir ses objectifs, fournir les règles de fongibilité, et son contenu, pour les salariés. Mais par ailleurs et de façon assez déconnectée, on inscrit le CPA dans l'agenda de la fonction publique, sans oublier les discussions avec les travailleurs indépendants. Il n'est pas prévu de s'asseoir tous ensemble autour de la table, pour voir comment établir des passerelles entre les uns et les autres.

En termes de gouvernance, il manque un lieu ou une méthode – ou les deux – à tel point que se développe maintenant un discours qui va à l'encontre du CPA universel que nous appelons de nos voeux. On entend en effet parler du CPA des indépendants. La Parlement devra veiller à ce que la loi fasse bien référence à un CPA universel. Il n'est pas question de créer le CPA des salariés, le CPA des fonctionnaires, le CPA des indépendants, etc.

Bien sûr, au début, le CPA sera alimenté différemment, en fonction de l'endroit d'où l'on vient et de son parcours. Mais au bout de quelques années, un même individu aura vocation à y trouver des droits issus d'une période où il était salarié et où il a pu alimenter son CPF (compte personnel de formation), des droits issus d'une période où il était titulaire ou contractuel de la fonction publique, et des droits issus d'une période où il était autoentrepreneur. Néanmoins, ce CPA-là devra être unique. Cela signifie qu'il faudra uniformiser, sinon harmoniser, la mise en oeuvre de ces droits. Sinon, on risque de reproduire l'expérience du CPF. À l'origine, c'était une « tuyauterie » unique. C'est toujours le cas, du moins en théorie. Mais dans la pratique, il y a le CPF des branches, le CPF des demandeurs d'emploi, le CPF abondé par les régions, alors que le principe était de mettre à la disposition des citoyens, pendant toute leur carrière professionnelle, un outil unique, simple et facile à l'utiliser.

Je pense qu'à l'occasion de la future loi « El Khomri » et de la réécriture du code du travail, il faudra s'assurer que les principes retenus peuvent s'appliquer à toutes les formes d'activités professionnelles, salariées ou non, et que l'on sera en mesure de protéger de la même façon tous les individus, salariés et professionnels – plus ou moins – autonomes, au regard des nouveaux enjeux qui se posent. S'agissant du CPA, il faudra éviter de créer des « tuyaux » spécifiques en fonction des statuts, puisque l'objectif de ce dispositif est précisément de dépasser les statuts.

Enfin, vous vous êtes demandé s'il fallait redéfinir le lien de subordination. Je ne saurais vous répondre très précisément, mais je suis persuadée qu'il faut dépasser ces notions de subordination juridique et économique. Il y a un lien de subordination lorsque quelqu'un fournit du travail, surveille l'exécution de ce travail, le contrôle et en fixe plus ou moins le prix. Cela montre que la frontière entre la subordination juridique et économique est artificielle. Sans qu'il y ait un lien de subordination juridique, les plateformes fournissent le travail et en surveillent l'exécution – on ne peut pas prétendre que les travailleurs concernés sont complètement autonomes dans l'organisation de leur travail. En outre, les plateformes contrôlent l'exécution de leur travail – puisqu'elles peuvent les écarter – et en fixent le prix. Pour moi, c'est un lien de subordination qui justifie d'imposer les règles du code du travail.

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