Intervention de Véronique Descacq

Réunion du 4 février 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT :

Je n'ai probablement pas été suffisamment claire. Si vous croyez que la loi va aller plus vite que les transformations économiques, sociales et sociétales, et que vous allez tout réguler de cette manière, c'est que l'on s'est mal compris.

Je pense que cette loi devra ouvrir des possibilités et laisser des champs ouverts. C'est pour cela que j'ai insisté sur les principes et sur le CPA, qui permettront de procéder progressivement. Vous n'allez pas, en 2016, trouver la martingale magique susceptible de réguler toutes les formes de travail et de résoudre tous les problèmes posés par la numérisation de l'économie au XXIe siècle. Le monde changera encore après 2016, tout comme les aspirations des travailleurs et les difficultés auxquelles ils seront confrontés et que l'on ne connaît pas encore.

Cela étant, on sait d'ores et déjà que ces travailleurs ont besoin d'accompagnement et de protection, et plus particulièrement de protection sociale. On sait qu'ils ont besoin de maintenir et d'améliorer leur niveau de compétence. Or il est possible de répondre tout de suite à ces préoccupations. On peut ainsi prévoir dans la prochaine loi que l'actuel fonds pour la formation des professionnels indépendants devra être largement ouvert à tous les auto-entrepreneurs, mais aussi mieux financé – autrement dit, que chacun d'entre eux paie une cotisation un peu plus élevée qu'aujourd'hui

En revanche, s'agissant de l'intermédiation entre ces travailleurs indépendants et les plateformes, vous allez devoir laisser les portes ouvertes pour que les choses se construisent avec les intéressés eux-mêmes. Ce n'est pas vous qui allez leur expliquer comment cela doit se passer – en tout cas, pas tout de suite.

De même, le CPA se construit progressivement. La loi dite Rebsamen a retenu son principe. Nous en sommes à la deuxième étape, qui consiste à ouvrir des pistes pour les salariés, pour les travailleurs indépendants et ceux de la fonction publique. Cette étape débouchera sur une autre période de travail qui se terminera au 1er janvier 2017, date à laquelle il faudra avoir commencé à matérialiser ce que l'on mettra dans ce compte.

Mais ce ne sera pas fini pour autant : d'une part, les mécanismes du financement et de la protection sociale sont complexes ; d'autre part, il faudra continuer à écouter les attentes des gens pour les ajuster au fil du temps. On peut faire un parallèle avec le dialogue social : il permet de construire des dispositifs, mais après évaluation, il apparaît parfois que certains ne fonctionnent pas. Il ne faut pas alors avoir peur de les reprendre et de procéder à des réajustements. Eh bien, dans la mesure où le monde va continuer à changer, vous serez amenés à faire la même chose dans la loi !

L'intérêt du CPA est qu'il peut évoluer progressivement. Et l'intérêt des principes est qu'ils pourront, au fil du temps, se décliner dans les mesures concrètes qui vont évoluer et que vous n'allez pas toutes réinventer dans la future loi El Khomri.

J'en viens à votre question sur la loi Noé. La concertation fut rapide, puisque le projet a tourné court. Nous avions alors surtout été interpellés sur un point particulier : les freins à l'entrée pour un certain nombre de qualifications. Pour tout vous dire, les propos que l'on avait entendus sur le sujet, en particulier ceux du ministre de l'économie, nous avaient inquiétés. Mais le rapport de Mme Catherine Barbaroux, intitulé « Lever les freins à l'entrepreunariat individuel », nous a rassurés.

Je suis pour ma part convaincue que les nouvelles formes de travail constituent des opportunités d'accès à l'emploi pour des jeunes qui n'ont pas d'emblée toutes les qualifications nécessaires, mais qui peuvent exercer en toute sécurité pour le consommateur un certain nombre de métiers. Je ne les cite pas, ils ont été abondamment été commentés dans la presse.

Nous avons néanmoins pris soin de préciser qu'il ne fallait pas en faire des trappes à basse qualification. Une fois que l'entrée dans ces activités est permise, y compris sous la forme d'auto-entrepreneuriat, il faut accompagner, par la formation, la montée en compétence de ces travailleurs, puis reconnaître ces compétences dans des dispositifs de certification, de qualification de blocs de compétence progressifs. Ainsi ces travailleurs pourront-ils s'inscrire dans un parcours professionnel qui les tire vers le haut et qui reconnaisse leur montée en compétence. Cet esprit se retrouve dans le rapport précité de Catherine Barbaroux. Cela nous a plutôt rassurés – pour peu que de telles mesures soient retenues dans la loi.

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