Ma question rejoint celle de M. Sébaoun. Dans votre exposé introductif, vous avez dit qu'il y avait quatre formes d'emploi. Je reprends votre exemple du jardinier qui tond des pelouses. Il peut être employé par un paysagiste, autoentrepreneur, salarié du propriétaire de la pelouse en passant par le CESU, ou encore passer par une plateforme. Le fait de passer par une plateforme permet la mise en relation, mais ne définit pas la nature de la relation juridique qui lie le jardinier avec le propriétaire de la pelouse. La question du statut, autoentrepreneur ou autre, continue de se poser.
Il faudra bien également se poser la question de la rémunération. Même si cela passe par la plateforme, c'est bien le jardinier qui sera rémunéré et la question de la nature de la relation continuera de se poser. Par conséquent, le statut de l'inscrit sur une plateforme n'est pas de même nature que les trois premières catégories que vous avez listées. Or dans le droit tel qu'il est aujourd'hui, peu importe la façon dont on entre en relation : la question de la nature de la prise en charge au niveau juridique du travail effectué continue à se poser, qu'on le veuille ou non.
Si j'ai bien compris votre propos, vous souhaitez développer la protection des travailleurs non salariés dès lors qu'ils sont dans un lien de dépendance qui n'est pas nécessairement un lien de subordination. Mais comment cela peut-il se construire ? Qui sont les acteurs ?
Ce qui structure un syndicat, c'est le rapport salarial. Or on ne peut pas être son propre salarié. Je sais bien qu'il « se trouve autant de différences de nous à nous-mêmes, que de nous à autrui », comme disait Montaigne, mais cela pose problème au niveau juridique… Le salariat suppose une dualité, avec, d'un côté, un employeur, de l'autre, un salarié. Qui a vocation à représenter les travailleurs non salariés ? Et qui a vocation à représenter les donneurs d'ordre ? Si la négociation collective n'est pas possible, est-il souhaitable, de votre point de vue, que, par défaut, le législateur s'empare de la question et légifère sur la protection minimale à laquelle auraient droit les travailleurs non salariés dès lors qu'ils seraient dans une situation de dépendance ? Dans ce cas, ne risquons-nous pas de créer un contrat de travail « allégé », dégradé ? Est-ce qu'en créant un nouveau contrat de travail spécifique dégradé, on ne risque pas de dégrader le contrait de travail en général ?