Intervention de Jean Grellier

Séance en hémicycle du 23 janvier 2013 à 15h00
Situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Grellier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution présentée la semaine dernière à la commission des affaires économiques tend à créer une commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie française et européenne dans la crise économique et financière et sur les conditions de sa sauvegarde et de son développement. Le titre même de cette résolution s'inscrit dans une ambition forte. À partir d'un diagnostic de la situation actuelle et de l'évolution constatée depuis plusieurs années, il s'agit de définir avec l'ensemble des acteurs de la filière la ou les stratégies à mettre en oeuvre pour assurer un avenir au secteur de la sidérurgie ainsi qu'aux nombreuses autres activités qui en découlent et, surtout, pour garantir la pérennité des emplois et des savoir-faire qui ont pu être développés sur de nombreux territoires.

Dans ce cadre, le groupe socialiste, républicain et citoyen donne un avis favorable à ce projet de résolution et participera de façon dynamique et positive à la future commission d'enquêté dès qu'elle sera créée. Son élargissement à la métallurgie permettra d'étendre encore le périmètre des actions, comme l'avait demandé en commission mon collègue Christophe Léonard et comme l'a proposé François Brottes, président de la commission des affaires économiques.

Vous avez d'ores et déjà, monsieur Bocquet, présenté une sorte d'état des lieux du secteur de la sidérurgie et des évolutions qui ont été engagées, surtout au cours de la dernière décennie. Lorsque j'ai rédigé, au mois d'octobre dernier, mon rapport pour avis sur le budget de l'industrie, le président de notre commission des affaires économiques, François Brottes, m'avait demandé d'insister sur la situation de la sidérurgie. J'ai pu le présenter comme un rapport d'étape à la fin du mois d'octobre dernier. Une grande partie du diagnostic peut être partagée sur l'évolution et la situation de la filière. Il est possible de tracer quelques pistes de réflexion et d'action concernant les perspectives de plusieurs territoires, en particulier lorrains, et les restructurations qui touchent à la filière chaude, mais aussi le développement de technicités nouvelles sur la filière froide, en soulignant notamment les capacités réelles qui existent dans notre pays en matière de recherche et d'innovation, capacités qu'il faut surtout soutenir, sauvegarder et développer.

Le 3 décembre dernier, le journal Le Monde titrait de manière caustique : « La sidérurgie a-t-elle encore un avenir en France » ? ArcelorMittal s'est engagé à investir 180 millions d'euros dans les cinq ans à venir sur le site mosellan, mais il sera nécessaire d'être vigilant sur la réalisation de ces investissements et les perspectives d'avenir qu'ils peuvent offrir. Notre sidérurgie est passée, en vingt ans, du neuvième au quinzième rang mondial. Pourtant, nous avons des atouts et ce secteur est incontestablement stratégique pour l'ensemble de notre industrie. L'importance de cette filière « […] dans l'économie résulte moins de sa taille que de sa place dans la chaîne de production, comme fournisseur direct ou indirect de l'industrie métallurgique [...] des fabricants de biens d'équipement, de l'industrie du bâtiment [...] et de beaucoup de fabricants de biens de consommation », ainsi que le souligne le rapport Faure. Ce rapport, remis au Gouvernement en juillet dernier, constitue une ressource très complète en termes de réflexion sur les enjeux de la filière dont la structuration, à l'avenir, se révélera fondamentale pour d'autres secteurs industriels complètement interdépendants.

Gardons à l'esprit qu'avant la crise de la sidérurgie, plus de 165 000 salariés travaillaient pour la filière. Nous savons que la crise de 2008 a eu des conséquences immédiates, dans la droite ligne des problèmes du secteur de l'automobile et de la construction. Le marché est devenu, ensuite, surcapacitaire et menace la production européenne et française. La production européenne a chuté de 25 % depuis 2008. La Chine produit, aujourd'hui, 45 % de l'acier vendu dans le monde. Nos usines européennes spécialisées dans les aciers plats payent le prix fort de cet environnement dégradé. Seuls quatorze des vingt-cinq hauts-fourneaux européens d'ArcelorMittal fonctionnent encore aujourd'hui. Pourtant souvent présenté comme le joyau du groupe, le site de Dunkerque n'a pas été épargné, même si nous pouvons nous satisfaire de la réouverture d'un de ces hauts-fourneaux le 17 janvier dernier.

Ces éléments démontrent la pertinence d'établir un diagnostic rationnel, de dégager rapidement des solutions concrètes et de tracer des perspectives d'avenir, en ayant à l'esprit les maîtres mots : innovation, qualité, aciers spéciaux à forte valeur ajoutée, nouveaux marchés vers les pays émergents et, bien entendu, le projet ULCOS.

Il y a quelques semaines, le Gouvernement a négocié un accord avec ArcelorMittal sur la spécificité de l'avenir du site de Florange avec, notamment, l'avenir de la filière chaude, sachant que la filière froide conserve, sur ce site, une activité significative. Le cadre de cet accord constituera, me semble-t-il, un élément important du travail de la commission d'enquête ; le projet ULCOS, qui en est un des axes majeurs, devra y être intégré.

La dimension européenne est, bien entendu, essentielle et elle doit être prise en compte ; encore faut-il y ajouter une dimension mondiale, du fait de l'industrialisation des pays émergents, tant en termes de ressources en matières premières qu'en termes de production et de débouchés. Dans ce cadre, il sera également permis d'aborder la sidérurgie et la métallurgie sous l'angle stratégique de la souveraineté et de l'indépendance nationale et européenne – même si l'expression est forte –, compte tenu des enjeux industriels que représente ce secteur de la sidérurgie. Cet enjeu donne toute son importance à un élargissement potentiel du périmètre de la commission, qu'il faudra bien maîtriser pour ne pas se disperser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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