Intervention de Nicole Bricq

Séance en hémicycle du 23 janvier 2013 à 15h00
Débat sur les politiques industrielle et commerciale européennes

Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur :

Il faut être bien au clair en ce qui concerne la définition de la réciprocité dans le règlement intérieur. C'est pourquoi le commissaire européen a rappelé qu'il n'y en a qu'une : que le principe de réciprocité, c'est l'ouverture. Cela est bien inscrit dans le règlement dont la France préconise l'adoption par les États. Mais, évidemment, il y a des exceptions, des mesures de défense commerciale pour lesquelles nous, Français, nous battons – et nous ne sommes pas les seuls. La mise en oeuvre de ce règlement intérieur sera essentielle pour accéder aux marchés publics des pays tiers, mais le problème est politique, il se situe au niveau des États. C'est pour cette raison que je fais le tour des capitales européennes – je serai encore à Berlin la semaine prochaine et au Danemark en février –, parce que la France est relativement isolée. Le blocage essentiel vient de l'Allemagne qui, après nous avoir soutenus est revenue en arrière depuis juillet dernier. Il faut savoir que le concept de réciprocité n'est pas spontanément admis, y compris à l'intérieur de l'Union européenne. Certains pays me disent clairement qu'ils considèrent que c'est un mécanisme protectionniste. Il faut donc absolument les convaincre. C'est aussi pour cette raison que j'ai adressé une lettre à la présidence irlandaise, au commissaire au marché intérieur, Michel Barnier, et au commissaire au commerce, Karel de Gucht, avec copie à mes partenaires européens pour qu'ils la cosignent. Il faut vraiment que la France trouve des alliés. Pour l'instant, notre position n'est pas majoritaire : seule une petite dizaine d'États membres font leur la nécessité de se doter de ce règlement intérieur. Il en reste donc à convaincre parmi les vingt-six.

Vous avez évoqué aussi l'accord de libre-échange avec les États-Unis qui pointe à l'horizon des années 2013-2015. La présidence irlandaise, je l'ai dit, veut aller vite. J'ai rencontré le représentant irlandais à Bruxelles, à la fin du mois de novembre, et il m'a présenté son calendrier : donner un mandat de négociation à l'Union européenne à la fin de sa présidence, au mois de juin. On aura de gros problèmes avec les États-Unis, et c'est un partenaire d'importance. Nous sommes très vigilants sur cette négociation car si nous n'avons pas les mêmes problèmes qu'avec d'autres pays tiers, ils sont très lourds, qu'il s'agisse des indications géographiques, que les États-Unis ne reconnaissent pas et auxquelles nous, Français, tenons beaucoup ; qu'il s'agisse de la libéralisation des services, dont nous n'avons pas du tout la même conception ; qu'il s'agisse encore de l'exception culturelle. Je rappelle que nous avions obtenu celle-ci dans les années 1990 dans le cadre d'un mandat européen. Il y avait alors une position européenne sur le sujet, mais l'Europe de 2013 n'est pas la même qu'à l'époque. C'est un gros sujet et ma collègue Aurélie Filippetti y est particulièrement attentive.

Vous avez dit qu'avec de gros pays émergents tels que la Chine, l'Inde, le Brésil, on ne pouvait avoir la même position qu'avec d'autres pays. Je m'arrête sur la Chine : il ne faut pas que les Européens en fassent le bouc émissaire de leurs propres difficultés. Nos pays ont un problème global de compétitivité et un problème de croissance. Vous avez vu les chiffres : en ce moment, même l'Allemagne tousse, et quand l'Europe s'enrhume, le monde va tout de même très mal. Mais il faut bien voir que la Chine devient certes une grande puissance, qui n'a pas du reste pris encore conscience des responsabilités que cela entraîne, mais que le PIB par habitant est cinq fois inférieur à celui de la France : il y a beaucoup de pauvres en Chine, ne l'oublions pas, et il y a de très graves déséquilibres.

Notre place sur le marché chinois est très insuffisante et nous ne devons pas utiliser la politique monétaire de l'Union européenne pour masquer nos difficultés : la part de marché de l'Allemagne est cinq fois supérieure à celle de la France alors que nous avons la même monnaie, l'euro. Nous devons nous poser des questions sur notre compétitivité et notre présence sur le marché international.

Parmi les grands pays émergents, citons aussi le Brésil. C'est une grande puissance, riche de potentialités extraordinaires, mais qui a un problème comme le montre sa croissance en 2012 : avec un taux inférieur à 2 %, ce pays ne peut nourrir la totalité de sa population.

S'ils sont puissants, ces grands pays émergents ont des faiblesses structurelles et doivent faire des choix douloureux, ce dont ils se servent lors des négociations : « nous sommes encore des pays en développement », arguent-ils pour jouer sur les deux tableaux. Nous leur répondons qu'ils sont tout de même de grandes puissances qui ont émergé.

La Chine a utilisé la faiblesse de sa monnaie durant les premières années de sa croissance et, actuellement, le yuan ne correspond pas à ce qu'elle est devenue dans le jeu mondial.

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