Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 23 janvier 2013 à 15h00
Débat sur les politiques industrielle et commerciale européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Je veux bien en accepter l'augure…

J'observe avec intérêt que le mot « protection » est plutôt bien vu dans de nombreux domaines : on parle de la protection sociale, de la protection des biens et des personnes, on parle de protéger beaucoup de choses. Bizarrement, lorsqu'il s'agit de commerce mondial, cela devient subitement un gros mot. Il est vrai qu'en servant à justifier la protection d'intérêts particuliers le protectionnisme a donné lieu à des dérives et qu'elles ont pu mener à des affrontements. On pourrait néanmoins se demander quels ont été la cause et les effets de ces dérives.

La question que l'on pourrait se poser en miroir, si je puis dire, est : le libre-échange est-il l'horizon indépassable de toute politique commerciale aux niveaux mondial et européen ? le ministre Cazeneuve a dit en substance qu'il ne servait à rien de se lancer dans une remise en cause unilatérale et en bloc du libre-échange de l'Union européenne et de l'OMC. Bien sûr ! Loin de moi cette idée… Nous les écologistes sommes favorables aux échanges internationaux, y compris commerciaux, même si l'on peut quand même s'interroger sur le caractère artificiel de nombreux échanges aujourd'hui. Je vous donne un exemple concret : à l'occasion d'un voyage en Chine, il y a trois ans, j'ai visité une usine appartenant à une grande entreprise française implantée à Shanghai pour fabriquer des verres de lunettes. Ces verres sont fabriqués à partir de matière première importée des États-Unis et sont ensuite réexportés vers les États-Unis. On peut sérieusement se poser la question du caractère fondé d'un tel échange et de l'intérêt général que présentent ces échanges.

On doit aussi s'interroger plus concrètement sur le bilan d'une politique car la politique de libre-échange a été menée de façon continue, avec beaucoup de persévérance, à l'échelle européenne, vous l'avez dit. C'est indéniable. On a souvent justifié ce choix en disant que les échanges créent de la croissance qui profitera à tout le monde. Un auteur a même défendu cette thèse dans un livre sur la mondialisation heureuse. Aujourd'hui pourtant, on voit bien que cette croissance est très inégalement répartie puisque, vous l'avez dit madame la ministre, l'Europe a une croissance faible. Mais cela ne date pas que de quelques années : c'est une tendance lourde depuis plusieurs dizaines d'années que le taux de croissance baisse. Dans les pays où la croissance est forte, comme la Chine, les inégalités sont très importantes et, vous l'avez dit, il y a une population très pauvre.

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