Intervention de Nicole Bricq

Séance en hémicycle du 23 janvier 2013 à 15h00
Débat sur les politiques industrielle et commerciale européennes

Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur :

Je persiste et je signe. Le protectionnisme est une impasse et une impasse historique. C'est une impasse car tous les pays peuvent tenir ce raisonnement, et c'est une impasse historique, parce que c'est ce qui s'est passé pendant les années trente. Et on sait que cela finit toujours très mal, c'est pourquoi j'ai utilisé ces termes qui peuvent paraître forts.

Cela étant, si l'ouverture est le principe, je l'ai dit aussi, chaque fois que nous pouvons faire valoir des intérêts défensifs, il faut le faire. Pour être majoritaire, il faut convaincre les autres. Nous avons déjà su le faire, j'ai cité le cas du Japon avec lequel nous avons des difficultés dans l'automobile. Nous avons l'exemple de ce qui s'est passé en Corée. Nous avons demandé à la Commission de mettre en place la clause de sauvegarde. Celle-ci a considéré que ce n'était pas justifié. Je suis allé à Bruxelles pour défendre notre décision sur la Corée. Je ne veux pas que cela recommence avec le Japon. Nous avons un secteur en difficulté, il faut faire valoir la mise en place d'un mécanisme défensif. C'est pourquoi j'ai demandé et obtenu l'application d'une clause de surveillance régulière dans la négociation et après, quand l'accord sera conclu. Nous pourrons alors regarder quand nous arriverons au terme de cette négociation qui sera longue et difficile avec un pays comme le Japon, qui est traditionnellement fermé.

Dans le même temps, je dois faire valoir nos intérêts offensifs. Il est évident que l'agroalimentaire français a un intérêt à l'accord de libre-échange. Il faut donc faire la part entre nos intérêts défensifs et offensifs, il faut faire le compte : le compromis est possible si le compte est positif. Il faut qu'il soit positif pour l'emploi en France, positif pour les exigences environnementales et positif pour les exigences sociales. C'est là que la réciprocité trouve vraiment à s'exercer, c'est-à-dire qu'il faut que les barrières non tarifaires soient abaissées. Il n'est pas normal – je prends encore l'exemple du Japon – sans me focaliser sur ce pays – que depuis la crise de la vache folle, alors que nous répondons à toutes les exigences sanitaires, le Japon ait traîné des pieds pour envoyer ses inspecteurs vérifier, douze ans après, que la viande bovine était exportable. J'espère que cela servira d'exemple à la Chine qui a le même réflexe de refuser d'importer nos bovins. On le voit, il faut se battre pied à pied. Il faut dans ce cas faire valoir nos intérêts défensifs mais regarder aussi ce que cela peut nous rapporter.

Avec la Corée, il est vrai qu'il y a eu une explosion relative du nombre de voitures coréennes en Europe. Mais cela s'est produit l'année où, pour la première fois dans l'exécution de l'accord de libre-échange, le solde était positif : jusque-là, nous avions toujours été en solde négatif.

Il faut manier l'un et l'autre et c'est ce que je m'efforce modestement, à la place qui est la mienne, de faire.

J'ai répondu tout à l'heure à la question que vous avez posée, monsieur de Rugy, qui, je le sais, correspond à vos préoccupations pour les normes sociales et environnementales. Je n'y reviens donc pas.

J'ai évoqué les États-Unis, je pourrais citer aussi le Canada avec qui nous avons des négociations sur le feu. Il est évident que nous avons à son égard des intérêts défensifs, notamment dans tout le secteur agricole. Il n'est pas question de céder. C'est pourquoi nous avons renforcé le mandat que nous avons donné à la Commission européenne, laquelle a entendu notre message puisqu'elle a reculé la date de conclusion de l'accord. Si nous cédons sur certains points avec le Canada, nous nous retrouverons en position de faiblesse vis-à-vis des États-Unis car ce que nous accepterons de céder au Canada, les États-Unis, deuxième puissance commerciale du monde, ne manqueront pas de le demander à leur tour. Il faut donc faire très attention.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion