Intervention de Pascal Popelin

Réunion du 17 février 2016 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin, rapporteur :

Les procédures judiciaires concernant les personnes de retour d'une zone de combat se fondent sur deux qualifications juridiques.

La première est l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, définie à l'article 421-2-1 du code pénal, qui nécessite l'existence d'un groupement ou d'une entente constitués par des faits matériels en vue de la préparation d'actes terroristes.

L'autre qualification est l'entreprise terroriste individuelle, définie à l'article 421-2-6 du même code, qui suppose le fait de préparer, en relation avec une entreprise individuelle et dans un but terroriste, la commission d'infractions terroristes.

Ces qualifications requièrent néanmoins d'apporter la preuve que les personnes s'étant rendues en Syrie et en Irak l'ont fait pour rejoindre un groupe terroriste, principalement Jabhat al-Nosra ou Daech, ce qui peut être complexe du fait de la situation en Syrie, où combattent plusieurs groupes, dont l'armée syrienne libre (ASL), qui n'a pas de caractère terroriste. Mais il est parfois difficile d'identifier qui combat avec qui…

L'article 20 crée en conséquence un contrôle administratif des retours sur le territoire national de ces personnes, et je ne suis pas favorable à ce qu'on le supprime.

Je me suis demandé s'il n'était pas possible de systématiquement judiciariser tout retour, ce qui permettrait ensuite d'engager les procédures que les magistrats jugeront nécessaires. Les opinions sur ce point divergent, mais les praticiens que j'ai interrogés m'ont dit que dans un certain nombre de cas, un laps de temps est nécessaire pour vérifier et étayer un dossier. C'est précisément pendant ce délai d'un mois non renouvelable que l'administration instaure les mesures de contrôle, puisque le juge n'est pas en situation de les fonder.

Afin de garantir l'articulation entre ces mesures administratives et une éventuelle suite judiciaire, et de s'assurer que l'appréciation de l'autorité préfectorale est bien fondée, je vous proposerai un amendement CL238 qui prévoit l'information immédiate du procureur de la République : si le procureur de la République estime qu'il y a assez d'éléments pour judiciariser, il le fera.

Je vous présenterai également l'amendement CL240, prévoyant que lorsqu'une procédure judiciaire concernant une personne faisant l'objet d'obligations fixées en application de ces articles est ouverte, le ministre de l'intérieur abroge les décisions mentionnées à ces articles.

Aux termes de ces deux amendements, on ne pourra donc pas engager la procédure sans avoir informé le procureur, qui s'assurera qu'elle n'est pas judiciarisable à ce stade. Et dès que la procédure sera judiciarisée, la mesure cessera immédiatement de plein droit.

Néanmoins, j'ai demandé que nous puissions disposer d'éléments supplémentaires nous permettant de nous assurer que cet article 20 est bien nécessaire. Je veux des exemples concrets de situations dans lesquelles une personne rentrant de ces théâtres ne peut pas être immédiatement judiciarisée. Dans la plupart des cas, il y a incarcération immédiate au retour : garde à vue et placement en détention provisoire. Mais il faut des faits, et parfois un peu de temps pour réunir les faits.

Il s'agit de personnes qui reviennent des théâtres d'opération en Syrie et en Irak. Nous en avons débattu lorsqu'il s'est agi d'empêcher nos ressortissants de s'y rendre, en prévoyant la retenue du passeport et l'interdiction de sortie du territoire. J'ai encore en mémoire que certains nous reprochaient à l'époque d'avoir traité le cas des sorties, mais de ne pas avoir trouvé des moyens suffisants pour gérer le cas des retours…

Voilà pourquoi je ne suis pas favorable, à ce stade de la discussion, à ce que nous supprimions purement et simplement l'article 20 comme il est proposé par cet amendement. Je vous ai également expliqué comment je proposai de faire évoluer cet article en prévoyant l'intervention du procureur de la République dès le début du processus et en rappelant que dès qu'il y avait judiciarisation, ce processus cessait de plein droit.

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