Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons, les douaniers incarnent, avec les policiers, les gendarmes et tous ceux qui portent l’uniforme, dans un contexte particulièrement difficile, l’État de droit, l’ordre républicain, et paient un lourd tribut pour assurer la sécurité des Français et sauver la vie des autres. Je tiens ici à remercier le groupe GDR d’avoir proposé l’organisation de ce débat sur l’évaluation de l’action de la douane contre les fraudes.
On ne peut évaluer l’action de la douane objectivement sans évaluer également les moyens qui sont mis à disposition de celle-ci, en particulier par le législateur, ainsi que le cadre juridique dans lequel les douaniers exercent leurs fonctions. C’est sur ce point que je structurerai mon intervention.
Le Gouvernement et sa majorité ont pleinement conscience du rôle essentiel joué par la douane dans la lutte contre la fraude et le crime organisé. C’est pourquoi le renforcement des effectifs, mais aussi l’attribution de moyens supplémentaires en fonctionnement – rien ne sert de recruter des douaniers s’ils n’ont pas les moyens de travailler – ont fait l’objet d’une attention constante. Je rappelle ainsi qu’il a été décidé de créer 1 000 postes de douaniers supplémentaires, afin de mieux assurer les contrôles aux frontières, auxquels ces agents contribuent très activement depuis le 13 novembre dernier. Par ailleurs, 3 millions d’euros seront consacrés à l’équipement en véhicules et en moyens numériques et informatiques de ces 1 000 douaniers supplémentaires, et 26 millions d’euros seront alloués à l’acquisition de moyens de protection.
L’effort financier est donc bien réel : il devra sans aucun doute être encore amplifié au cours des prochaines lois de finances, bien que ce renforcement fasse l’objet de nombreux débats, que mon collègue vient de rappeler. Toutefois, les effectifs et les moyens matériels sont une condition nécessaire mais non suffisante pour permettre aux douanes de remplir efficacement leur mission. Le cadre juridique doit en effet lui aussi évoluer, et permettre à la douane d’agir de façon efficiente, dans le respect, naturellement, de nos libertés fondamentales.
Sur ce volet, des évolutions importantes ont été annoncées par le Gouvernement, le 22 janvier dernier, dans le cadre du plan de renforcement de l’action de la douane en matière de lutte contre le terrorisme et de contrôle aux frontières. D’autres évolutions du cadre juridique sont également présentes dans le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, que nous examinerons ici même début mars.
L’article 16 de ce projet de loi étend ainsi, en matière de blanchiment douanier, un mécanisme qui existe d’ores et déjà pour le délit général de blanchiment prévu au code pénal. Il s’agit de la possibilité de procéder à un renversement de la charge de la preuve, dès lors qu’il est avéré que l’objectif premier de l’opération douanière est la dissimulation de l’origine des fonds. Cette mesure, qui va dans le bon sens, permettra, si elle est adoptée, de faciliter l’action des services douaniers en matière de lutte contre le blanchiment douanier.
En tant que rapporteur pour avis de ce texte au nom de la commission des finances, je souhaite aller plus loin. Ce débat n’est certes pas l’occasion de débuter l’examen de ce projet de loi, mais d’exposer les pistes sur lesquelles je travaille actuellement et d’aboutir collectivement, avec le Gouvernement, avec la majorité, mais aussi, je l’espère, avec l’opposition, à l’élaboration de mesures pertinentes, pour renforcer l’efficacité et la sécurité de la douane française.
L’un des enjeux est bien sûr celui de l’obligation déclarative à laquelle est soumise toute personne sortant du territoire français. Cette obligation est essentielle, car désormais, on le sait, les organisations terroristes ont massivement recours au microfinancement et aux transferts d’argent liquide. Dans ce contexte, le seuil de 10 000 euros n’est-il pas trop élevé ? Cette question, qui devra faire l’objet d’un débat, n’est pas facile à trancher.
Par ailleurs, je pense qu’il est nécessaire de renforcer l’obligation déclarative, en disposant, comme le prévoit un règlement européen, que celle-ci sera inexécutée si elle est fausse ou incomplète. Au-delà des modalités de déclaration, il est important de réfléchir aux suites à donner dans les cas de manquement à ces obligations déclaratives. En l’état du droit, ce manquement est une simple contravention, pouvant donner lieu à une saisie égale à un quart de la somme non déclarée. Est-ce assez dissuasif ? Je ne le pense pas. L’élévation au niveau de délit permettrait aux douaniers constatant l’infraction de procéder à une retenue douanière de 24 heures.
Mais l’obligation déclarative ne suffit pas à s’assurer de l’origine licite des sommes. Les organisations terroristes remplissent de plus en plus souvent leurs déclarations en bonne et due forme, ce qui les préserve, dans les faits, de tout contrôle. En temps voulu, nous n’avons pas hésité à inclure le trafic international de stupéfiants, qui connaissait un fort développement, dans le champ de compétence des douanes. Ne faut-il pas envisager aujourd’hui de faire de même pour le financement du terrorisme ?
Voilà, mes chers collègues, les quelques pistes que je souhaitais soumettre à votre réflexion et que nous pourrons peut-être traduire dans la loi dès le mois prochain. Encore une fois, je crois que ce débat doit être pour nous toutes et tous l’occasion de saluer l’action de ces fonctionnaires exemplaires au service de la nation.