Madame la présidente, messieurs les députés, permettez-moi de saluer tout particulièrement M. Charroux, puisqu’il représente le groupe grâce auquel nous pouvons avoir ce débat.
À l’automne 2013, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a souhaité conduire une évaluation de l’action des douanes dans la lutte contre les fraudes et les trafics et vous a confié cette mission, monsieur Charroux, ainsi qu’à votre collègue Éric Woerth. Vos travaux ont été conclus en juin dernier.
Entre fin 2013 et aujourd’hui, le contexte dans lequel s’inscrit l’action de la douane a changé. La menace terroriste est passée de la potentialité à la concrétisation dramatique, par deux fois dans notre pays. En quelques heures, la France a non seulement rétabli son contrôle aux frontières, mais en a également renversé la logique et l’habitude : pendant des heures, nos forces douanières ont concentré leurs efforts sur la surveillance des sorties plutôt que des entrées, à la recherche d’un terroriste en fuite.
La contribution des douanes à la protection de nos concitoyens a été reconnue au plus haut niveau de l’État et évoquée dans le discours présidentiel à Versailles, devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre 2015. Puis en janvier, pour la première fois, une quarantaine de douaniers représentaient leurs 16 000 collègues aux voeux du Président de la République aux forces de sécurité.
À l’occasion des attentats, nos concitoyens ont redécouvert l’administration des douanes et dépoussiéré l’image d’Épinal du douanier dans sa guérite. Le rôle de la douane dans la lutte contre la fraude et tous les trafics est apparu sous un jour nouveau et a révélé son importance stratégique.
Je saisis donc l’opportunité de notre débat de ce soir pour réaffirmer devant vous l’indivisibilité de la douane française. Elle est bien campée sur ses deux jambes, surveillance et opérations commerciales, et c’est sa force. Le Gouvernement n’entend pas revenir sur ces deux missions confiées à la douane. La complémentarité de ses deux métiers est au coeur de son expertise et de ses enquêtes, c’est ce qui lui donne la capacité de remplir efficacement ses missions fiscales, mais aussi d’agir à tous les niveaux de la chaîne des fraudes. C’est aussi ce qui peut lui donner sa réactivité. J’ai ainsi vu à la frontière suisse, en janvier, les équipes du bureau commercial appuyer celles de la surveillance pour faire face aux nouvelles exigences des contrôles aux frontières : les premières venaient décharger les secondes de certaines tâches de dédouanement, permettant ainsi à la surveillance d’accroître l’intensité des contrôles sur le flux de véhicules. Ce type d’expérience doit nous inspirer pour faire face aux périodes de crise.
Le rapport que j’évoquais tout à l’heure dressait des constats et des recommandations éclairés. Vous avez pris soin d’auditionner l’ensemble des parties prenantes, y compris les partenaires sociaux, dont je sais la sensibilité mais aussi la très forte implication. Je crois pouvoir dire aujourd’hui que les actions engagées dans le Projet stratégique de la douane – PSD – et dans le plan de renforcement de l’action de la douane pour le contrôle aux frontières et la lutte contre le terrorisme apportent, chacun sur leurs champs propres et de manière complémentaire, des éléments de réponse.
Tout d’abord, nous entrons en 2016 dans une ère nouvelle pour la douane, avec des effectifs renforcés dont la répartition territoriale est actualisée.
La douane française est une administration en mouvement. Le rapport a souligné combien elle avait su absorber des réformes difficiles et nombreuses ces dernières années. Elle a effectivement montré qu’elle savait se transformer et s’adapter à un monde en mutation. Elle a su se doter d’un projet stratégique ambitieux, qui va adapter ses structures et moderniser ses processus. C’est la garantie que ce mouvement de transformation se poursuivra pour assurer son efficacité de manière pérenne.
Le Projet stratégique de la douane est déjà avancé, et il sera mené à son terme. Il vise en effet à adapter la douane à tous les défis qui sont devant elle. Je pense par exemple au nouveau code des douanes de l’Union, que vous avez évoqué et qui sera une réalité dans quatre mois. La douane est prête à mettre en oeuvre les dispositions de ce code.
Je pense aussi à la demande croissante de nos concitoyens et de nos entreprises de formalités simples, rapides, dématérialisées. Vous l’avez indiqué en évoquant l’autoliquidation de la TVA, dont vous avez recommandé l’élargissement. Sur ce point, je veux être très clair : ce gouvernement a mis en oeuvre l’autoliquidation de la TVA, en particulier dans les grands ports et les lieux d’échange français, depuis février de l’année dernière. Aujourd’hui, ce sont près de 1,8 milliard de droits qui sont autoliquidés par les acteurs économiques, et ce montant est en augmentation continue. Nous entendons aller plus loin. Faut-il pour autant élargir cette autoliquidation sans conditions ? Aujourd’hui, il suffit d’avoir la labellisation PDU. Des acteurs demandent la généralisation du système. De toute façon, au 1er mai prochain, il faudra mettre en oeuvre le code européen des douanes, qui prévoit un simple agrément, au lieu de l’audit requis pour la PDU. Je pense que cela donnera satisfaction à la plupart des acteurs. Il reste trois à quatre mois pour parvenir à ce dispositif. Et pour vous faire une confidence, des amendements au projet de loi sur l’économie bleue actuellement en navette sont en discussion pour élargir la disposition plus rapidement encore : nous aurons l’occasion de voir comment les rédiger de manière à satisfaire l’ensemble des parties.
Je rappelle par ailleurs, puisque nous parlons de facilitation, la mise en oeuvre du service national douanier de la fiscalité routière. Il s’agit là encore d’un progrès considérable.
Le PSD, c’est aussi la mise en place des centres opérationnels douaniers terrestres, les CODT, dont une préfiguration a été mise en place à Bordeaux – où je me suis rendu en visite – et qui ont vocation à mailler tout le territoire national. Leur rôle est d’assurer une coordination entre unités et administrations et de diffuser des informations fiables et actualisées en temps réel, ce qui est notamment indispensable en temps de crise. Deux nouveaux centres verront le jour en 2016, l’un à Lille et l’autre à Metz, deux secteurs à forts enjeux frontaliers, et trois autres en 2017.
Je vous confirme également que le service d’analyse de risque et de ciblage – ou SARC –, dont l’intérêt est souligné par la mission, sera créé en mai 2016. Il sera localisé à Paris et réunira, à terme, 45 agents. Il sera chargé de la production de l’intégralité des analyses de risque et des études à vocation opérationnelle portant sur l’avant-dédouanement, le dédouanement et la fiscalité. C’est un véritable centre d’expertise qui sera ainsi constitué et qui sera très utile aux cellules de ciblage locales, les fameuses CROC – cellules de renseignement et d’orientation des contrôles.
Plus globalement, le PSD est un point d’appui pour toutes les missions douanières, en particulier pour les missions d’accompagnement de la compétitivité de notre économie. Je n’y reviens pas, ayant évoqué ce point à propos des dispositifs d’autoliquidation.
Ainsi l’organisation de la douane se modernise, répondant en cela à vos recommandations et surtout poursuivant un mouvement déjà bien engagé.
Parallèlement, pour faire face aux nouvelles menaces et aux missions renforcées de la douane, qu’il s’agisse de surveillance ou d’enquête et de démantèlement de filières, les effectifs de la douane française vont recommencer à croître, pour la première fois depuis une vingtaine d’années.