Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 18 février 2016 à 21h30
Débat sur l'évaluation de l'action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Le Président de la République l’a annoncé, 1 000 recrutements supplémentaires seront effectués en 2016 et 2017. Il était prévu de recruter 735 agents sur les différents concours ; ce seront 1 735 agents qui seront recrutés en deux ans. Ces recrutements supplémentaires feront plus que compenser la trajectoire initialement prévue pour les effectifs douaniers, et se traduiront par une augmentation nette des effectifs de plus de 600 emplois en deux ans. Toutes les directions interrégionales métropolitaines bénéficieront de ces renforts, ainsi que La Réunion et la Guyane. Et plus de la moitié des brigades de contrôle verront leurs effectifs augmenter.

Les nouveaux agents seront essentiellement affectés dans les brigades de surveillance, venant ainsi neutraliser tout risque de décalage d’effectifs entre les deux métiers de la douane, crainte exprimée par votre mission dans son rapport.

Plusieurs services à compétence nationale seront également renforcés. Je pense en particulier à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – la DNRED. Le groupe opérationnel de lutte contre le terrorisme – GOLT – sera lui aussi renforcé, de même que les services spécialisés dans l’informatique douanière et le service national de douane judiciaire ou SNDJ.

Pour autant, la répartition des effectifs douaniers poursuivra son adaptation pour améliorer le service rendu et son efficacité.

Soyons clairs : il y aura des restructurations. Elles seront limitées : moins de 15 opérations pour les brigades de surveillance sur toute la France, soit moins de 7 % des unités. Monsieur Charroux, la carte réclamée a été communiquée aux organisations syndicales le 8 février dernier, de même que la répartition par grands secteurs géographiques des nouveaux postes que j’évoquais à l’instant.

Le réseau des recettes poursuivra lui aussi sa réorganisation autour de recettes interrégionales et non plus régionales. Quant au tissu des bureaux et services, il évoluera de manière à suivre la géographie des flux commerciaux. La mission a fort justement remarqué que la tendance est à la concentration des flux logistiques, nous nous organisons pour y faire face.

J’en viens aux moyens de contrôle indispensables dans la lutte contre la fraude. Une enveloppe de 45 millions d’euros supplémentaires en deux ans a été débloquée pour renouveler et développer les moyens opérationnels de la douane.

Ces moyens nouveaux permettront d’abord de mieux protéger nos agents. J’ai l’habitude de dire qu’on oublie trop souvent que ces agents en uniforme représentent, comme d’autres, une cible pour les terroristes qui recherchent des actions spectaculaires. Il est donc indispensable de doter les unités de surveillance terrestre de meilleures capacités de riposte. C’est pourquoi des armes longues – pistolets mitrailleurs – seront déployées dès cette année dans les brigades de contrôle terrestre et de nouveaux équipements d’interception, en particulier des herses de nouvelle génération, seront déployés dès 2016.

Les moyens de transmission – dont les limites sont évoquées par la mission et que j’ai moi-même constatées sur le terrain, notamment dans les zones frontalières, pour des raisons que chacun connaît – seront améliorés grâce à de nouveaux moyens de communication adossés au réseau INPT – infrastructure nationale partageable des transmissions – du ministère de l’intérieur.

Par ailleurs, nous investirons dans le meilleur de la technologie dédiée à la détection des trafics illicites. Une enveloppe de 15 millions d’euros permettra de renforcer les capacités actuelles de la DGDDI en la matière, ce qui était un point d’attention de la mission.

Il s’agira d’une part de poursuivre l’acquisition et l’installation de lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation, plus connus sous le nom de LAPI, qui jouent un rôle essentiel – ils l’ont prouvé à l’occasion des attentats – dans les opérations de poursuite sur route et de suivi de trafics de stupéfiants ou autres marchandises illicites.

Nous allons d’autre part améliorer notre équipement en dispositifs de contrôles dits non-intrusifs, principalement dans les ports, les aéroports et les services traitant du fret express et du fret postal. Notre choix n’est pas celui des douanes néerlandaises, portées vers le tout technologique, mais de meilleurs appareils de détection viendront utilement compléter le ciblage réalisé par nos agents.

Enfin, nous n’oublions pas l’investissement informatique, ni la nécessité de développer notre arsenal juridique. Vous avez évoqué ce point, monsieur Galut, vous qui êtes rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi présenté par Jean-Jacques Urvoas. J’ai bien entendu vos propositions. Certaines d’entre elles sont d’ores et déjà incluses dans le texte initial, et d’autres sont en discussion. Nous aurons si vous le souhaitez, à l’occasion des questions, un échange plus précis sur ce sujet sur lequel vous travaillez activement.

La douane prendra une part active au plan interministériel de lutte contre les armes aux côtés du ministère de l’intérieur.

En outre, le droit devra évoluer pour permettre aux services douaniers de mieux identifier et mettre en cause des individus qui achètent ou vendent des armes sur internet. L’événement dramatique qu’est la mort de Pascal Robinson nous rappelle l’importance de l’action de nos agents en matière de lutte contre le trafic des armes.

Voilà, messieurs les députés, les principaux éléments que je voulais évoquer devant vous. J’aurais pu en dire davantage, et j’ai conscience, madame la présidente, d’avoir été un peu long, mais chacun conviendra que l’action de la douane représente un enjeu extrêmement important.

Nous entendons associer la douane, dans ses missions de sécurité, à l’ensemble des autres forces de sécurité de notre pays. Cela n’a pas toujours été facile. Il s’agit, d’une certaine façon, de revenir sur la facilité avec laquelle nous traversons les frontières.

Je terminerai par une anecdote afin d’illustrer mon propos. Au lendemain des attentats, je me suis rendu près de la frontière belge pour discuter avec nos agents et saluer leur action. Les plus anciens nous ont raconté que leurs jeunes collègues ne savaient même plus où se situe la frontière. Car souvent, il n’y a plus aucun bâtiment. Les guérites, les locaux destinés à accueillir les douaniers, les zones de délestage, qui permettaient de garer des véhicules afin de faciliter les contrôles, tout cela a disparu. Or, chacun le sait, pour des raisons évidentes de procédure, la connaissance exacte de la frontière est importante, ne serait-ce que pour éviter d’engager une procédure dans un pays qui n’est pas le nôtre.

D’une certaine façon, des contrôles renforcés et des pratiques parfois oubliées, voire inconnues pour les plus jeunes générations, représentent pour nos agents un véritable retour en arrière. Je veux saluer, indépendamment de leur action globale, que beaucoup ont soulignée par le biais de chiffres et de constats, leur capacité d’adaptation et de réaction. Il leur a été demandé, dans des délais extrêmement brefs, de faire face à une situation exceptionnelle : ils ont su se mobiliser.

J’ai mesuré ces difficultés. Sachez que le Gouvernement – et je sais que le Parlement y est attentif, ce débat en est la preuve – est décidé à conserver à la douane son importance au sein des forces de sécurité de notre pays. Les moyens ont été significativement renforcés, même si nous avons par le passé adopté des pratiques qui nous ont conduits à une situation qui exige aujourd’hui que nous infléchissions la courbe.

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