Intervention de Chantal Berthelot

Réunion du 16 février 2016 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Berthelot :

Je tiens à remercier Marie-Anne Chapdelaine et Aline Archimbaud pour le travail qu'elles ont fourni. Leur rapport a été lu, et est beaucoup travaillé, actuellement, en Guyane. Leur tâche n'a pas été simple : elles ont eu un programme très chargé et se sont heurtées à des difficultés logistiques. La Guyane est un beau pays mais il n'est pas toujours très aisé de s'y déplacer. En outre, le monde des Amérindiens est un monde en soi, avec des codes très particuliers. Il n'était sans doute pas évident d'y pénétrer.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à saluer l'initiative du Gouvernement. Mme la ministre des outre-mer, lors de sa visite à Maripasoula au début de l'année 2015, a été sensibilisée à la problématique des suicides des jeunes Amérindiens, que l'on peut considérer comme un échec pour notre société. Que le Premier ministre ait diligenté des parlementaires en mission montre l'intérêt du Gouvernement pour cette question.

Nous souhaitons, bien sûr, que cet intérêt se traduise par des mesures concrètes. Gabriel Serville et moi avons besoin de tous nos collègues pour mener ce combat : il faut que les propositions formulées dans le rapport soient prises en compte. L'attente est très grande.

Le rapport constitue une précieuse source d'informations et permet une appropriation facile grâce à la liste des propositions argumentées.

Je commencerai par le CCPAB, institué dans la loi de 2007 pour prendre en compte les problématiques propres aux populations amérindiennes et bushinenge. Ses membres, qui se sont saisis à la fin du mois de janvier du rapport, approuvent votre proposition de transformation en grand conseil coutumier.

C'est une transformation importante, à mes yeux, car elle permettrait de légitimer ce que l'on attend d'une instance consultative dotée d'une dimension culturelle spécifique. Pour l'heure, l'État français se refuse à signer la convention 169 de l'OIT, en vertu du principe posé par l'article 1er de la Constitution : « La France est une République une et indivisible ». Il ne reconnaît pas les peuples autochtones et donc les conseils coutumiers, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie.

Pour assurer sa cohésion sociale, la Guyane aurait pourtant besoin que la France accepte de prendre en compte les particularités de ces deux peuples, qu'il s'agisse de leurs codes socio-culturels ou de leurs façons de fonctionner.

Je tiens à souligner que les quinze propositions prioritaires n'appellent pas toutes des financements supplémentaires mais de la volonté, de la coordination, une mutualisation de moyens.

J'insisterai sur une proposition en particulier, la proposition n° 8 relative au logement des lycéens, sur laquelle s'accordent les proviseurs de lycée, les principaux de collège et le recteur. Nous attendons la mise en place concrète de la collectivité territoriale de Guyane pour disposer de moyens supplémentaires afin d'assurer la présence de surveillants et d'animateurs le week-end. Nous espérons tous que cette mesure sera mise en oeuvre rapidement.

La proposition relative à la mise en place de centres médicopsychologiques à Camopi et Maripasoula, en liaison avec l'hôpital de Cayenne et l'hôpital de Saint-Laurent, recueille elle aussi un large accord.

Une réunion annuelle de suivi peut paraître parfois lourde. En l'occurrence, elle apparaît nécessaire pour faire un point d'étape sur la mise en oeuvre des différentes propositions.

J'exprimerai ici le souhait, monsieur le président, que la Délégation nous accompagne dans nos démarches, même si je sais que Mme la ministre des outre-mer est très sensible à ces questions. Il faut que le Gouvernement puisse trancher.

La proposition n°7 sur la collation servie aux élèves me tient aussi particulièrement à coeur. Vous avez compris, chers collègues, combien les distances posent de problèmes pour les transports. En tant que parents ou futurs parents, nous ne pouvons admettre que des enfants, après s'être réveillés très tôt pour pouvoir se rendre dans leur établissement scolaire, restent toute une journée sans rien manger ou bien se nourrissent de choses à bannir au plan diététique alors que les plans santé ont montré le poids du diabète et de l'hypertension en outre-mer. Le rôle de la société est d'accompagner. Généraliser l'accès à une collation me semble indispensable. J'espère que Mme la ministre, que je sais sensible à ces questions, va se battre pour que ce service soit mis en place. Il faut que nous montrions que nous l'appuyons afin qu'elle puisse gagner ses arbitrages interministériels.

Cette semaine, l'Assemblée nationale aborde des sujets très sensibles pour la Guyane. Aujourd'hui, la Délégation aux outre-mer entend Mme Marie-Anne Chapdelaine sur son rapport et demain, la commission du développement durable organise une table ronde sur l'orpaillage illégal. Cette pratique est un vrai fléau pour notre territoire et elle nourrit le mal-être des populations amérindiennes et bushinenge. Les garimpeiros, orpailleurs illégaux sans foi ni loi, pillent les abatis des populations, exercent des violences sur les habitants, les femmes en particulier, et se livrent à la surchasse et à la surpêche. Ils sont à l'origine d'une pollution de l'eau au mercure, avec les conséquences que l'on sait en termes d'atteintes à la chaîne alimentaire et de malformations neurologiques.

Dans une dizaine de jours, nous allons aborder la deuxième lecture du projet de loi relatif à la biodiversité. Si la Guyane représente une part importante du domaine maritime de la France, elle a une place particulière dans la préservation de la biodiversité à travers la forêt amazonienne. En ce domaine, les Amérindiens, forts d'un savoir-faire millénaire, jouent un rôle décisif. Les députés de Guyane ont besoin du soutien de leurs collègues pour que ce rôle trouve une reconnaissance dans la loi : reconnaissance de leur apport pour l'humanité et reconnaissance de leur culture propre.

Je terminerai par les langues pour regretter, monsieur Gosselin, que la droite ne nous ait pas suivis dans la reconnaissance des langues minoritaires. Il importerait de reconnaître et valoriser les langues amérindiennes, qui sont en train de se perdre. Je sais que M. Gosselin partage mes regrets.

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