Intervention de élisabeth Hubert

Réunion du 10 février 2016 à 16h15
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile, FNEHAD :

Le mode de tarification doit effectivement évoluer. Il a été une bouffée d'oxygène en 2006, car il a permis de consolider un certain nombre d'établissements en difficulté, et il a eu l'immense avantage de professionnaliser les établissements d'HAD.

Le schéma de médicalisation et de recrutement d'infirmières de coordination est apparu au milieu des années 2000. C'est à cette même époque que sont intervenus, dans les établissements d'HAD, des professionnels de la qualité, car nous nous apprêtions à nous engager dans des processus de certification.

S'agissant des investissements dans les systèmes d'information, certains établissements sont aujourd'hui éligibles au programme « Hôpital numérique », comme ils l'ont été à l'époque aux plans « Hôpital » successifs.

Aujourd'hui, nos tarifs n'ont pas bougé. Il est désormais assez peu probable que l'état de nos finances publiques permette d'envisager une progression.

Nous préconisons de mieux scinder le recours à l'hospitalisation à domicile. Dans le cas de la chimiothérapie, nous faisons en HAD le même geste technique, nous avons la même approche que celle d'un établissement avec hébergement. Nous devons donc trouver un mode de financement cohérent avec celui utilisé en MCO, car, dès lors que la bascule se fait vers l'hospitalisation à domicile, les ressources du MCO sont diminuées d'autant. Il nous faut trouver un mode de financement cohérent avec ce qui nous est demandé, mais qui ne représente pas une perte sèche pour l'interlocuteur MCO qui va travailler avec l'hospitalisation à domicile.

En ce qui concerne les soins palliatifs, la prise en charge de patients polypathologiques, voire les antibiothérapies, le mode de tarification actuel n'est sans doute pas parfait, mais il y a au moins une vertu, c'est que la clé d'entrée et les tarifs sont fonction de la charge en soins. On peut, par exemple, être en soins palliatifs parce qu'on a un cancer, ou parce qu'on a une maladie neurodégénérative et qu'on vit ses derniers jours. Dans les deux cas, on est en soins palliatifs, on a besoin de coordination, de soins, d'alimentation et d'accompagnement psychologique.

La clé d'entrée, qu'il s'agisse d'un cancer ou d'une maladie neurodégénérative, n'a pas une grande importance. Ce qui est pris en compte, c'est la charge en soins. C'est l'une des originalités de notre système de tarification, et il faut en conserver le principe pour ce mode de prise en charge.

J'en viens à la rééducation et à la réadaptation, secteurs très peu explorés à l'heure actuelle car il nous est difficile d'offrir les mêmes services que les services de soins de suite et de réadaptation (SSR), les kinésithérapeutes ne montrant pas une grande envie de venir travailler à domicile, dans la mesure où nous les payons au tarif de base de la nomenclature… Il nous faut, s'agissant de ce secteur, réfléchir au mode de tarification.

Quant au schéma idéal, je suis d'accord avec vous, madame la rapporteure, s'agissant des corps de métiers que vous avez évoqués. C'est pour cette raison que j'ai insisté tout à l'heure sur la nécessité d'une coordination médicale, infirmière et psychosociale.

En ce qui concerne la dimension psychosociale, je pense à l'HAD de Nantes où une aide-soignante, qui avait précédemment fait des études d'esthéticienne, avait proposé à la directrice de l'établissement de se partager entre un temps d'esthétique et un temps d'aide-soignante – ce qui a été accepté. Les diététiciennes ont aussi un rôle à jouer en HAD auprès des malades, mais également auprès de la famille et des aidants.

Pour ce qui est d'accompagner les aidants, je dois dire que nous ne sommes pas très bons, s'agissant notamment de patients lourds dont l'hospitalisation risque d'être longue. Il convient, dès le début, de parler d'épisodes de répit à la famille et d'expliquer au patient la nécessité de faire des bilans réguliers, de façon que la réhospitalisation ne soit pas un traumatisme. La réhospitalisation se passe très bien quand elle est programmée. Elle est comprise, admise, même si elle n'est pas attendue avec un grand bonheur, mais les patients savent que ce n'est qu'un épisode. Et cette période est un soulagement pour l'entourage.

Nous essayons aussi, malgré la réticence des familles, de mettre en place, la nuit, des gardes-malades. C'est ce que fait l'HAD de Nantes. Ce type de dispositif en soins palliatifs est parfois payé par les fonds d'assurance maladie. Avoir une garde-malade deux nuits de suite permet au conjoint d'être apaisé et de dormir. Il est nécessaire d'augmenter la fréquence de ces moments de répit en structurant davantage le dispositif.

Vous avez raison, monsieur le président, notre objectif d'atteindre un taux de 1,2 % des hospitalisations est de loin inférieur aux taux observés dans certains pays étrangers. Cela étant, vous permettrez à l'amatrice de rugby que je suis de vous « renvoyer le ballon » : quel usage entendons-nous faire, en France, de l'hospitalisation avec hébergement ? Il y a belle lurette que les pays dont vous parlez se sont attaqués financièrement à l'hébergement hospitalier. Le métier de l'hôpital n'est pas l'hôtellerie. Le métier de l'hôpital, c'est d'offrir des soins, un plateau technique, un savoir-faire, une expertise, une prise en charge à des moments difficiles et délicats.

Pour savoir s'il faut donner un lit à un patient, il faut se poser deux questions. Son état nécessite-t-il une surveillance continue ? A-t-il besoin du plateau technique dans les heures qui suivent ? Si la réponse à ces deux questions est négative, on doit envisager de ne pas lui donner un lit. Je ne dis pas pour autant que nous pourrons faire sortir tous les patients de l'hôpital…

Le problème ne se pose pas de la même façon dans d'autres pays, avec une compréhension des patients et de leurs familles, dans la mesure où les patients doivent payer. Je vais vous raconter une anecdote à propos de la solvabilisation.

Il y a quelques jours, j'ai constaté, dans un établissement d'HAD, que l'aide-soignante passait matin et soir. Or, le soir, le patient n'avait pas besoin d'une aide-soignante, mais seulement d'une auxiliaire de vie. L'établissement d'HAD a dit à la famille qu'il fallait plutôt, le soir, une auxiliaire de vie, mais qu'il fallait la payer, un dispositif social pouvant en partie prendre en charge ce coût moyennant un petit reste à charge. Personne n'a protesté. Cela montre que les conditions d'accès à l'offre de soins ont complètement dénaturé notre regard…

C'est justement un regard différent qu'il faut porter sur l'usage de l'hébergement hospitalier, car la part du « hors-hôpital » est importante. L'hospitalisation de jour et la chirurgie ambulatoire relèveront toujours de l'effecteur hospitalier. Le reste de l'ambulatoire concerne la HAD, qui est le sommet de la pyramide. On peut très certainement élargir encore le recours à l'HAD, s'agissant notamment de la sécurisation du domicile.

Je prends l'exemple d'un patient qui va sortir de l'hôpital après y avoir passé plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Dans certains cas, la durée du séjour à l'hôpital est telle qu'une hospitalisation à domicile n'est pas nécessaire. Mais il faut reconnaître qu'il n'est pas cohérent de faire sortir un patient après trois mois d'hospitalisation sans rien prévoir. On peut comprendre son sentiment de panique.

C'est là que nous pouvons agir. Nous n'avons pas vocation à durer, mais nous pouvons produire un effet de sas et contribuer à réduire très fortement le recours à l'hébergement hospitalier. Les dépenses d'assurance maladie consacrées à l'hospitalisation s'élèvent à 37 % en France, alors que la moyenne est de 29 % dans les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Cela étant, c'est une réforme douloureuse pour les établissements hospitaliers, et qui serait sans doute trop rapide si elle devait se faire du jour au lendemain – d'où mes propos, tout à l'heure, sur la nécessité d'accompagner la réforme de la tarification.

Quant aux établissements médico-sociaux, notamment les EHPAD, ils vont, eux aussi, être soumis à des contrats d'objectifs et de moyens (COM), et j'en suis ravie. Je recommande aux ARS de suivre deux indicateurs extrêmement simples : observer, dans les EHPAD, d'une part le pourcentage de décès effectifs à l'intérieur de l'établissement, et d'autre part le pourcentage d'hospitalisation avec hébergement des résidents, notamment à des moments critiques. Un certain nombre d'établissements seront « dans les clous ». Ce seront souvent des établissements ayant un personnel infirmier renforcé.

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