Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, j'articulerai mon propos liminaire autour de quatre points.
Je ferai, dans un premier temps, une présentation rapide du groupe Volkswagen France qui me permettra de vous décrire ses activités et de circonscrire les sujets sur lesquels je suis en mesure de vous apporter des éléments d'information.
Comme j'ai bien compris que l'objet de cette audition était ce que les médias ont appelé l'« affaire Volkswagen », j'en tracerai une rapide chronologie et vous donnerai de plus amples informations sur celle-ci. Je tiens à vous préciser que n'étant ni juriste ni ingénieur, je ne pourrai sans doute pas répondre à toutes vos questions sur les sujets juridiques ou technologiques les plus complexes.
Ensuite, je vous expliquerai ce que nous avons fait depuis le 20 septembre et ce que nous allons continuer à faire, en vous précisant ce qui dépend de ma responsabilité directe. J'insisterai sur ce qui constitue pour nous une priorité : rassurer nos clients en communiquant avec eux.
Enfin, je vous donnerai quelques informations sur la stratégie de notre groupe en matière d'électro-mobilité.
Je veux vous indiquer que je suis guidé par un souci de totale transparence et animé de la volonté de coopération que j'ai affichée depuis le 21 septembre. En préambule, je veux éclaircir deux points.
Je regrette le malentendu qui a fait que je n'étais pas présent à l'audition du 27 janvier. Cela a pu être mal interprété. Sachez qu'en aucun cas je n'ai voulu froisser la représentation nationale : je suis un citoyen qui respecte profondément la République. Ceci est derrière nous, il nous faut maintenant avancer.
Ensuite, je tiens à réaffirmer que les véhicules qui feront l'objet des mesures de service après-vente tout au long de l'année 2016 ne présentent en aucun cas des problèmes de sécurité. Ils sont techniquement sûrs et sont en parfait état de marche. Par ailleurs, tous les véhicules que nous commercialisons depuis fin septembre 2015 sont en totale conformité avec les normes environnementales en vigueur.
J'en viens à mon premier point. Volkswagen Groupe France (VGF) est une filiale d'importation et de distribution de véhicules neufs. Notre siège social se situe à Villers-Cotterêts dans l'Aisne et comprend depuis un peu plus d'un an une antenne à Roissy. Implantés en France depuis 1960, nous disposons d'environ mille points de vente et de réparation. Nous sommes le premier importateur en France, avec plus de 260 000 véhicules neufs vendus en France, ce qui place notre part de marché entre 13 % et 14 %.
En matière d'emploi – j'imagine que vous aurez des questions sur les répercussions éventuelles de cette crise en ce domaine – sachez que nous employons directement 650 personnes. Si l'on prend en compte notre réseau de distribution, ce sont plus de 15 000 personnes qui travaillent directement ou indirectement pour nous. Nous n'avons aucun site de production de véhicules particuliers en France mais il y a à Saint-Nazaire et à Nantes deux usines de production de véhicules industriels, MAN et Scania, filiales intégrées au groupe Volkswagen gérées directement par l'Allemagne, qui emploient chacune environ 700 à 750 personnes.
Enfin, il faut souligner le poids économique de notre groupe en tant que client très important des trois grands équipementiers français : nos commandes représentant entre un quart et un tiers du chiffre d'affaires de Valeo, Plastic Omnium et Faurecia.
Le domaine de responsabilité de VGF porte exclusivement sur la revente de véhicules que nous importons – nous n'homologuons pas nous-mêmes.
Pour ce qui est de la chronologie relative aux émissions d'oxydes d'azote – NOx – , rappelons que le 20 septembre sont mis en cause aux États-Unis les résultats des tests de certains modèles du groupe Volkswagen. C'est à cette date que je prends connaissance de l'affaire, n'ayant eu auparavant strictement aucune information sur ce qui se passait. Le 29 septembre, Volkswagen AG, autrement dit la maison-mère allemande, établit un plan d'action pour modifier les véhicules équipés des moteurs diesel EA189 répondant aux normes Euro 5. Des solutions techniques sont développées et présentées aux autorités compétentes en octobre 2015.
Le 1er octobre, nous apprenons par la presse que le ministère de l'écologie met en place une commission destinée à effectuer des tests sur cent véhicules représentatifs des marques vendues en France. À ce jour, nous ne disposons que d'informations partielles sur leurs résultats, essentiellement par voie de presse. Je tiens toutefois à préciser que dès que cette commission est créée, je suis sollicité par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et que je facilite une rencontre entre celle-ci, l'Union Technique de l'Automobile, du motocycle et du Cycle (UTAC) et des experts allemands venus de la maison-mère. Cette rencontre a lieu le 26 octobre, soit trois semaines après l'annonce de l'installation de cette commission et trois mois avant que n'aient lieu des auditions d'autres constructeurs depuis également concernés par la question des émissions de NOx.
Dès le 2 octobre, soit dix jours après le communiqué de presse, nous mettons à la disposition de nos clients toute une série de moyens de communication afin qu'ils puissent se renseigner. Il s'agit d'un site internet – sur les quelque 950 000 clients concernés, 150 000 s'y sont connectés pour pouvoir savoir si leur véhicule était concerné –, d'un Numéro Vert – qui reçoit entre cinquante et cent appels chaque jour –, d'une plateforme de relations avec la clientèle – qui a reçu 8 000 courriers à ce jour –, sans oublier une messagerie instantanée.
Le 12 octobre, nous prenons la décision de suspendre la vente et les immatriculations de véhicules Euro 5 concernés.
Le 15 octobre, le Kraftfahrt-Bundesamt (KBA), l'office fédéral de régulation du secteur automobile allemand, décide que les véhicules équipés du moteur diesel EA189 doivent faire l'objet d'actions techniques. Notre groupe accepte de les effectuer, afin de rassurer ces clients.
Point important : le groupe Volkswagen ne considère pas que le logiciel concerné constitue un dispositif d'invalidation interdit par la réglementation européenne. Nous estimons que cette question devra être examinée par les experts et l'autorité judiciaire, laquelle sera amenée, le moment venu, à dire le droit.
La volonté du groupe a été de dépasser ces débats techniques ou juridiques et d'agir très concrètement. Le 25 novembre, des mesures techniques sur les moteurs diesel EA189 de 1,2 litre, 1,6 litre et 2 litres sont présentées au KBA. Les mesures correctives sont désormais déterminées pour la majorité des véhicules concernés. Pour le moteur d'1,2 litre, qui représente 4 % des volumes, nous indiquons que lesdites mesures seront présentées à la fin du mois.
Le 16 décembre, nous informons nos clients de la mise en oeuvre de ces mesures. Nous avons détaillé sur un transparent le calendrier de mise en oeuvre des solutions techniques jusqu'à la dernière semaine de 2016, selon les différents moteurs – 1, 2 litre, 1, 6 litre, 2 litres. Au tout début de ce mois, la première procédure a été effectuée sur un moteur de 2 litres du modèle Amarok, en présence du ministre allemand des transports.
Les clients concernés seront informés par notre groupe puis contactés directement par le concessionnaire chez qui ils ont acquis leur véhicule, à mesure que les plans d'action techniques seront validés par le KBA. Cette procédure prendra la forme d'une opération de rappel, réservée généralement aux véhicules affectés par des problèmes de sécurité, ce qui n'est pas le cas ici, je le rappelle.
Une fois la solution technique validée par le KBA, le client sera contacté par le concessionnaire afin qu'il amène son véhicule dans son atelier. Grâce à une valise-diagnostic, celui-ci communiquera le numéro de série à la maison-mère qui confirmera si le moteur est bien concerné. Si la réponse est positive, il mettra à jour le logiciel de la voiture, grâce à la nouvelle version que la maison-mère lui aura envoyée dans la nuit.
Il s'agit, vous le voyez, d'une opération simple qui dure entre une demi-heure pour les moteurs de 1,2 litre et de 2 litres et trois quarts d'heure pour le moteur d'1,6 litre qui nécessite l'ajout d'un régulateur de flux, petite pièce en plastique qui permet de canaliser l'arrivée d'air dans le moteur.
Si le calendrier s'étale sur toute l'année, c'est que le KBA valide les solutions techniques moteur par moteur, version par version, marque par marque, modèle par modèle, selon la nature de la boîte, qu'elle soit manuelle ou automatique. La construction de la pièce en plastique pour le moteur de 1,6 litre décalera l'opération pour les véhicules concernés au mois de septembre.
Beaucoup de clients se demandent quelles seront les conséquences éventuelles de ces solutions techniques sur les prestations de leur véhicule. Il faut savoir que le KBA procède à une double validation : outre le plan d'action technique, il valide le fait que cette opération n'a strictement aucune conséquence sur la consommation du véhicule, donc sur les émissions de CO2, sur la puissance maximum, sur le couple et sur le bruit. Cela implique qu'il n'y a aucune conséquence, normalement, pour la valeur du véhicule.
Nous avons commencé ces opérations en France. Je me suis rendu vendredi dernier dans une concession parisienne pour accueillir le premier client concerné, une dame propriétaire d'un Amarok.
J'en arrive à mon quatrième point : les priorités de Volkswagen Groupe France.
Il s'agit d'abord de la coopération avec toutes les autorités compétentes. Comme je l'ai précisé, j'ai été le premier à rencontrer l'UTAC, en présence d'experts allemands le 26 octobre, ce qui a permis à la commission dite « Royal » de débuter les tests. J'ai également rencontré différents collaborateurs du ministère des finances et du ministère de l'environnement ainsi que du secrétariat général de l'Élysée. J'insiste sur le fait que nous avons fourni tous les éléments demandés par les autorités.
Il s'agit ensuite de veiller à maintenir la confiance de nos clients. Tout ce qui a été dit sur notre entreprise est de nature à les interpeller. Nous prenons soin de rappeler régulièrement que les véhicules concernés ne souffrent d'aucun problème de sécurité ou de qualité. Nous insistons sur le fait que les véhicules nouvellement mis en vente étant conformes aux normes Euro 6, ils ne sont pas du tout appelés à faire l'objet d'une solution technique. Nous avons envoyé un premier courrier et nous nous apprêtons à en envoyer un deuxième qui donnera de plus amples informations à nos clients.
J'ai également donné deux interviews, l'une au Figaro, l'autre au Journal du dimanche, essentiellement centrées sur la pédagogie à l'égard de nos clients.
Comme disent les Chinois, dans toute crise, il y a une opportunité. Pour le groupe Volkswagen, cette crise offre une occasion de changer profondément son organisation. Il s'engage à la réformer par une plus grande décentralisation, une meilleure écoute des marchés et des marques, tout en concentrant les synergies sur les domaines où il nous faut avancer plus rapidement, comme le digital ou la compliance.
Il entend aussi induire un changement de culture. Notre nouveau management appelle à plus d'ouverture, plus de transversalité, plus d'audace et de créativité.
Enfin, le groupe a décidé d'accélérer sa stratégie, qui reste concentrée sur le développement durable. À ma connaissance, Volkswagen est le seul constructeur à s'être engagé formellement sur l'objectif fixé par la Commission européenne d'émissions de CO2 de 95 grammes au kilomètre en 2021. Nous comptons l'atteindre dès 2020. De la même manière, alors que l'objectif était de 132 grammes pour 2015, nous avons confirmé que nous nous étions fixé 120 grammes, et la crise n'a pas affecté notre détermination.
Le groupe investit dans tous les domaines de l'électro-mobilité, l'optimisation des performances des émissions des moteurs thermiques, l'offre de véhicules électriques, hybrides mais également hybrides rechargeables. Nous avons également, même si elle est peu développée en France, une offre de gaz naturel de ville, intéressant certaines administrations. Nous sommes le seul groupe à avoir en France une offre de biocarburant. La France est le premier producteur mondial de betteraves et nous avons publié la semaine dernière un communiqué concernant la Golf bioéthanol. Ajoutons à ces offres les prototypes roulant avec une pile à combustible, technologie appelée à davantage se développer sur le long terme.
Malgré la crise qu'il traverse, le groupe Volkswagen a décidé d'augmenter ses investissements au titre de l'électromobilité, à hauteur de 100 millions d'euros.
Il a investi dans une plateforme dédiée aux véhicules électriques pour l'ensemble de ses marques : à l'horizon 2020, son offre couvrira vingt modèles électriques ou hybrides.
Il ne s'agit pas de science-fiction. Prenons l'exemple de la Golf, modèle mythique chez nous : c'est le seul véhicule en France à pouvoir fonctionner avec toutes les énergies alternatives existantes – version électrique, version hybride rechargeable, version bioéthanol, version GNV. J'insiste aussi sur le fait que nos deux modèles équipés de technologies hybrides rechargeables, l'Audi A3 e-tron et la Golf GTE, représentent 50 % des véhicules hybrides rechargeables vendus en France.
En guise de conclusion, je dirai que l'enseignement majeur que nous tirons de cette crise est qu'il existe un consensus dans la société pour passer du système de mesure des émissions de NOx en laboratoire, qui permettait depuis plus de quarante ans une comparaison entre constructeurs, à un système de mesure en situation réelle, sur route, permettant de vérifier la conformité à des normes environnementales toujours plus exigeantes.
Le groupe est prêt à s'engager dans ce processus et soutient la réglementation Real Driving Emissions (RDE) mise en place récemment en place par la Commission européenne.
Le transparent que je vais vous présenter le prouve. Il porte sur l'écart des émissions de NOx–Euro 6 mesurées en conditions réelles et en banc d'essai. Le graphique croise en abscisse les modèles de différents constructeurs et en ordonnée l'écart mesuré de 1 à 18. La ligne verte indique ce que pourrait être en 2017 la norme dans l'esprit du nouveau règlement, soit 110 % de 80 mg. Quelques-uns de nos modèles la dépassent mais la plupart s'y conforme. Vous constaterez que le meilleur modèle de tout le panel est issu de notre groupe : le Volkswagen Sharan.