Intervention de Flavien Neuvy

Réunion du 10 février 2016 à 11h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire CETELEM de l'automobile :

Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question aujourd'hui, mais on peut effectivement penser que l'écart entre le prix des véhicules essence et diesel va se réduire. L'automobiliste est un agent économique rationnel, qui anticipe beaucoup : de ce point de vue, le scandale Volkswagen a marqué une très nette rupture en termes de ventes de véhicules diesel – pas seulement pour la marque concernée, mais pour l'ensemble des constructeurs, et sans doute ce mouvement va-t-il se poursuivre et s'amplifier dans les mois à venir. Il est difficile d'établir des prévisions précises sur les ventes de diesel à l'horizon de quatre ou cinq ans mais, en tout état de cause, on peut dire qu'elles vont subir une baisse sensible.

Se demander si la voiture autonome et connectée va faire vendre plus de voitures revient à se demander si l'innovation fait vendre plus. Comme nous l'avions dit de manière un peu provocatrice dans l'une de nos études, il faut distinguer l'innovation utile, qui va permettre de vendre plus de voitures, de l'innovation futile, qui servira tout au plus à dégager une marge légèrement supérieure. Ce que j'appelle l'innovation futile, ce sont les équipements électroniques que l'automobiliste n'utilisera pratiquement jamais. L'innovation utile, elle, permet à l'automobiliste d'économiser de l'argent. Si les moteurs plus performants, qui consomment moins, font partie de l'innovation utile, je ne suis pas sûr qu'il en soit de même de la voiture autonome, et que le propriétaire d'une voiture qui a huit ans d'âge va se décider à en changer pour l'unique raison qu'il pourra lâcher le volant : cette innovation ne constitue pas une rupture technologique de nature à inciter les automobilistes à acheter massivement des voitures neuves.

Pour ce qui est des offres collaboratives, je me garderai bien de donner des conseils aux constructeurs. En une période compliquée pour tout le monde sur le plan économique, les grandes entreprises sont toujours convaincues que la meilleure façon de se protéger contre ceux qui pourraient être tentés de venir les concurrencer dans leur activité consiste à se concentrer sur leur coeur de métier, que personne ne saurait faire aussi bien qu'elles. Ce faisant, elles adoptent un mode de gestion excluant toute prise de risque, alors même que l'économie collaborative nécessite de sortir des sentiers battus. L'arrivée de nouveaux acteurs du monde de l'économie collaborative – dans le secteur de l'automobile comme dans d'autres – a pour effet de bousculer les positions établies des acteurs historiques, d'apporter un vent de fraîcheur et souvent de créer des emplois. Il arrive alors que certains constructeurs, notamment américains, prennent acte du fait qu'ils ont raté le coche, et réagissent en rachetant l'un des nouveaux acteurs – une société de covoiturage ou de location de voiture entre particuliers –, comme leurs considérables moyens financiers le leur permettent.

En ce qui concerne les mesures de soutien que l'on pourrait imaginer en faveur du renouvellement du parc automobile français, il n'y a pas de solution miracle, du moins n'est-elle pas connue. Le système de la prime à la casse a été très efficace : un million de voitures ont été « bonussées », et nous avons calculé que cette mesure aurait provoqué 600 000 ventes par anticipation. Quant au bilan économique, il n'est pas simple à établir, car les ventes anticipées se sont traduites par des retombées de TVA, ainsi que par un fonctionnement accru de l'outil de production et des réseaux de distribution : on ne peut donc pas dire que la prime a coûté 1 000 euros nets par véhicule concerné. Par ailleurs, cette mesure a eu un effet positif en matière environnementale, mais aussi en termes de sécurité, car les nouveaux véhicules sont mieux équipés en airbags ou en dispositifs d'aide à la conduite tels les stabilisateurs de trajectoire – ce qui contribue à faire diminuer le nombre de morts sur les routes. Le plus gros inconvénient d'un système de ce type, c'est le contrecoup qui se fait ressentir quand la mesure prend fin, et rien ne permet d'y remédier.

Vous avez évoqué, madame la rapporteure, la relation qu'entretiennent les consommateurs vis-à-vis des marques et également de la nationalité du constructeur. Pendant très longtemps, la puissance de la marque a constitué un élément déterminant dans l'acte d'achat : dans une famille, on pouvait être Peugeot, Citroën ou Renault, et n'acheter que des véhicules de sa marque fétiche. Un tel attachement n'existe pratiquement plus chez les jeunes, qui sont capables de passer d'une marque à une autre. Par ailleurs, 55 % des personnes interrogées dans le monde entier dans le cadre de l'une de nos études se sont déclarées prêtes à acheter une Google Car ou une Apple Car : certes, ce sont là des marques puissantes, ce qui explique qu'elles puissent inspirer confiance, mais il ne s'agit pas, à l'heure actuelle, de professionnels de l'automobile. Pour ce qui est des Français, ils préfèrent toujours acheter des voitures fabriquées en France, à condition que cela ne se traduise pas par un surcoût trop important. Par ailleurs, il n'est pas toujours facile de savoir ce que recouvre l'appellation made in France pour une voiture : si j'achète une Toyota fabriquée dans le Nord de la France, est-ce ou non du made in France ?

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