Intervention de Flavien Neuvy

Réunion du 10 février 2016 à 11h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire CETELEM de l'automobile :

La même question se pose pour une petite citadine de marque française, mais fabriquée en Europe centrale : comme on le voit, ce n'est pas évident.

Pour ce qui est du prix de vente des véhicules neufs, la situation est souvent ubuesque : les prix de départ sont tellement élevés que les constructeurs sont obligés de pratiquer des politiques commerciales agressives et de consentir presque systématiquement des rabais, ce qui est destructeur de valeur et réduit fortement, parfois jusqu'à zéro, la marge du concessionnaire. Quant à l'automobiliste, il en vient à ne plus savoir quel est le prix réel d'une voiture.

Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous répondre, monsieur Menuel, au sujet de la différence constatée entre le prix de vente des véhicules à boîte de vitesses manuelle et celui des véhicules à boîte automatique.

Vous avez raison en ce qui concerne les différences de prix de vente d'un pays à l'autre pour le même véhicule neuf : on trouve encore des véhicules moins chers en Espagne ou en Belgique, étant toutefois précisé que cela se fait de moins en moins, les prix ayant tendance à s'harmoniser au sein de l'Europe. De même, le phénomène consistant en l'importation massive en France, par des canaux parallèles, de véhicules neufs en provenance d'Europe centrale ou du sud, à des prix très inférieurs à ceux des voitures sortant de nos chaînes de production, s'est beaucoup calmé après avoir été très répandu.

Le crédit automobile est stratégique pour la vente de voitures neuves, puisque deux sur trois sont achetées à crédit par les particuliers. Selon les chiffres fournis par l'Association Française des Sociétés Financières (ASF), la production totale de crédits automobiles consentis sur le lieu de vente – englobant les crédits pour les véhicules neufs et d'occasion, ainsi que la location avec option d'achat (LOA) – s'est élevée à 10 milliards d'euros pour 2015, ce à quoi il faut ajouter les prêts personnels non affectés, qui peuvent aussi servir à financer l'achat d'un véhicule. Le marché du crédit à la consommation est très loin d'avoir retrouvé le niveau d'avant la crise – il est encore 20 % en dessous de ce niveau –, ce qui s'explique par le fait que les Français ont reporté certains de leurs achats, notamment les achats automobiles.

Par ailleurs, le marché français présente la particularité d'être hyperconcurrentiel : aujourd'hui, le consommateur qui veut prendre un crédit peut donc faire jouer la concurrence entre les différents établissements financiers, qu'il s'agisse des sociétés de financement classiques comme la nôtre, des captives financières appartenant à une société dont l'activité principale n'est pas le financement – chaque constructeur est désormais doté d'une société financière qui propose des financements sur le lieu de vente –, ou encore des banques traditionnelles ou des assureurs. Bref, celui qui veut souscrire un crédit pour acheter une voiture n'a que l'embarras du choix, et les taux actuellement très bas contribuent à ce que le contexte soit très favorable à l'acquisition d'un véhicule – mais cela ne se traduit pourtant pas par une activité élevée en ce moment. À mon arrivée au CETELEM en 1995 – je m'occupais alors des dossiers de prêts aux particuliers –, les taux étaient beaucoup plus élevés, puisque l'acquisition d'une voiture neuve pouvait alors être financée à un taux moyen de 10 %, et l'on consentait néanmoins plus de prêts qu'aujourd'hui : comme vous le voyez, le taux d'emprunt n'est pas le critère essentiel dans la décision d'acheter une voiture.

La stratégie low cost de Renault, mise en oeuvre par le biais de sa filiale Dacia, a été un coup de maître – étant précisé qu'au départ, l'objectif affiché n'était pas de vendre des véhicules de ce type en Europe. Aujourd'hui, cette offre rencontre partout le succès. Elle prend des parts de marché importantes dans les pays matures – pas seulement auprès des personnes qui disposent de peu de moyens, mais aussi auprès de celles qui envisageaient initialement l'achat d'un véhicule d'occasion – comme dans les pays émergents. Aujourd'hui, bien que son modèle ait très bien marché, la société Renault n'a été imitée par aucun de ses concurrents, ce qui s'explique par le fait que la mise en place d'une filiale low cost soit très compliquée.

En ce qui concerne les techniques de vente, elles connaissent effectivement de nombreuses évolutions. Le rapport entre concessionnaires et concédants est toujours assez déséquilibré au détriment du concessionnaire, qui se trouve pieds et poings liés et doit constamment réinvestir dans son showroom, ne serait-ce que pour se mettre en conformité avec les nouvelles normes. L'automobiliste, lui, est tout à fait disposé à passer à un système multimarque, qui lui permettra de voir des véhicules de différentes marques en se rendant dans une concession. Par ailleurs, il est prêt à acheter des voitures sur internet : du fait de la réassurance par la marque, il n'a pas de raison d'être inquiet au sujet de la qualité du produit acheté. Si ce type d'offre reste actuellement peu développé, c'est que les constructeurs souhaitent protéger leurs réseaux de distribution exclusifs, mais on peut penser que si un grand constructeur mettait des voitures en vente sur son propre site, cela marcherait très bien – on peut même penser que cela permettait de réaliser des ventes supplémentaires.

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