Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 16 février 2016 à 21h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro :

Je m'exprime au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen. Élu local depuis trente ans et député depuis dix-huit ans, j'ai connu bien des crises traversées par le monde agricole. Celle-ci est radicalement différente, car elle est structurelle. De nombreux agriculteurs considèrent toucher le fond, en dépit des 9 milliards d'euros d'aides européennes, des aides de l'État et de celles des collectivités territoriales. Ils constatent que verser ces aides, c'est comme arroser le sable si le problème principal, celui du prix auquel les productions sont payées, n'est pas résolu.

Je vous prie, monsieur Antoine Herth, de bien vouloir vous rappeler quelles organisations politiques et syndicales ont combattu, en 1984, l'instauration des quotas laitiers, avant de militer pour leur suppression. Il ne faut pas tromper les agriculteurs : vous étiez dans le camp politique de ceux qui jamais, au grand jamais, n'ont été favorables à des instruments de régulation. Si le syndicat majoritaire y vient aujourd'hui, c'est qu'il n'a aucune solution à proposer et qu'il est débordé par sa base – cette base qui, au moment où nous parlons, déverse du fumier devant nos permanences.

Laissera-t-on persister un modèle agricole européen tel que, dans dix ans, 26 % des exploitations agricoles, sinon davantage, auront disparu, comme ce fut le cas entre 2002 et 2012, cette évolution se poursuivant ? Va-t-on se satisfaire d'une politique agricole commune qui continue de détruire des exploitations, des emplois et la vie des territoires ? Je salue votre travail au niveau européen, monsieur le ministre, mais peut-on espérer de l'Union européenne une régulation et le déclenchement d'une politique de protection ?

Sur le plan intérieur, disposons-nous réellement des moyens législatifs nécessaires pour faire cesser la guerre des prix que la grande distribution mène dans notre pays, assassinant les producteurs ? Une enquête a révélé que 80 % des Français se disent prêts à soutenir le mouvement des agriculteurs, à condition qu'ils ne se livrent à aucune dégradation, car la population fait le lien entre qualité des produits, santé et emplois. On peut bien organiser des tables rondes sur les prix, au niveau national ou départemental, cela ne donne aucun résultat ; tout au plus la grande distribution promet-elle de mettre en vente quelques produits locaux dans un coin. Mais pour ce qui est du problème de fond, le prix d'achat des productions, rien ne change. Pourtant, le consommateur est prêt à payer son litre de lait 10 ou 15 centimes plus cher s'il est assuré qu'ainsi les agriculteurs pourront vivre.

Si aucune inflexion n'a lieu, seules subsisteront sous peu quelques usines à lait, sans doute en Allemagne, et nos territoires ruraux seront déserts. Je suis convaincu que nous sommes à la croisée des chemins, et je m'interroge sur la capacité des parlements nationaux à influencer une politique qui conduit notre agriculture à la ruine.

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